Duval, un comptable plutôt austère, cède sous la pression de son travail et les effets de son alcoolisme, pète les plombs et fait ce qu'on appelle de nos jours un "burnout". Au chômage depuis deux ans, inscrit aux Alcooliques Anonymes et ayant désespérément besoin d'un boulot, il accepte le poste qui lui est proposé par le mystérieux Clément. Son rôle sera de retranscrire sur papier des écoutes téléphoniques liées à la sécurité de l'Etat. Des horaires fixes, une tâche d'une simplicité absolue, un salaire plus qu'intéressant... Seules exigences liées à son embauche : ne poser aucune question, effectuer le travail avec une rigueur sans faille, et faire preuve d'une discrétion absolue.


"La Mécanique de l'ombre" est un film résolument sobre, et Duval, l'ancien alcoolique magistralement interprété par François Cluzet, un être résolument sérieux. Ni l'un ni l'autre ne cherchent jamais à séduire, et se fichent même de rebuter par une apparente austérité. Le réalisateur Thomas Kruithof, dont c'est le premier long-métrage (!), a choisi un thème qui prête pourtant souvent à la surenchère et à la poudre aux yeux, le thriller politique paranoïaque. Mais ici, tout comme dans le jeu d'un Denis Podalydès glaçant, rien de superflu, on va directement à l'essentiel dans une ambiance orwellienne qui rappelle notamment l'excellent "La vie des autres".


Une routine presque confortable pour l'anti-héros dont le point de vue nous est offert, soulevant sans moraliser la question du droit à la vie privée (à l'heure où l'état d'urgence pose également chez nous quelques questions) et de la conscience de celui qui écoute. Mais fatalement, cette routine vient à être brisée et Duval se retrouve embarqué dans une partie d'échecs pétrifiante au cours de laquelle chaque décision peut se révéler la dernière. Il n'y est qu'un pion pris dans l'affrontement entre des forces dont il ne peut même comprendre la nature véritable, et qui ne lui accordent une valeur que tant qu'il représente un intérêt stratégique.


La tension vécue à l'écran et qui écrase de plus en plus le personnage pèse également sur le spectateur dont la gorge se noue, et qui s'enfonce de plus en plus dans son fauteuil, se demandant à chaque instant si ce qu'il suppose est exact ou s'il se laisse lui aussi manipuler par la virtuosité aride mais indéniable de la mise en scène et de la photographie.


On pourra reprocher au film une petite facilité finale qui l'empêche d'être simplement un chef d'oeuvre du genre. Un peu dommage, "La Mécanique de l'ombre" est "seulement" un excellent film comme on aimerait en voir plus souvent dans le paysage cinématographique français!

CharlesLasry
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le 25 janv. 2017

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Charles Lasry

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