La Mécanique de l'ombre par pierrick_D_

Duval,comptable au chômage,terne au possible et alcoolo repenti,est recruté par une mystérieuse officine qui le charge de procéder à des écoutes téléphoniques.Il se met à espionner les conversations de journalistes,de politiciens,d'hommes d'affaires ou de policiers.Evidemment,il finit par tomber sur un truc chaud-bouillant.Effrayé,il veut quitter son poste mais se trouve alors en danger,coincé entre son employeur et les services secrets.Cette production franco-belge est le premier long-métrage de Thomas Kruithof,qui en a coécrit le scénario avec Yann Gozlan,lui-même réalisateur à ses heures.Les auteurs ont voulu jouer la carte du thriller parano désincarné.Au début,ça fonctionne assez bien,Kruithof parvenant à installer une ambiance froide et clinique en utilisant des appartements vides,des immeubles déserts et des personnages isolés qui se meuvent à l'intérieur de décors aux teintes blanchâtres et grisâtres.Mais pour réussir ce type de film,il faut un scénario en béton et une mise en scène maîtrisée,sous peine de plonger le spectateur dans l'ennui et l'indifférence.Et c'est effectivement ce qui se produit ici,car on se fout très vite de ce qui peut arriver à ce héros opaque et taciturne dont on ne sait pas grand-chose,tout comme on se désintéresse d'une intrigue simplette traitée de manière compliquée,alors qu'il eût mieux valu faire l'inverse.La dernière partie du film ne fait qu'aggraver la situation,avec quelques scènes d'action mal shootées lors desquelles le petit comptable étriqué se transforme brusquement en clone de James Bond.En outre,Kruithof et Gozlan ne peuvent s'empêcher de nous servir la fable usée du complot ourdi par une fantasmatique droite dure,ou extrême-droite on ne sait pas très bien,qui chercherait à nuire à notre gentil gouvernement démocratique.Certes,ils se croient habiles en ne citant nommément aucune personne ni aucun parti,mais leurs allusions genre "suivez mon regard" pèsent des tonnes.Le film est ainsi parsemé d'indices faciles à repérer.Des extraits d'interviews d'un candidat à l'élection présidentielle,et les apparitions d'affiches de campagne du politicien en question,clairement étiqueté "populiste".Et cette réflexion de Gerfaut à Duval:"il t'a demandé si tu étais de droite ou de gauche?T'en fais pas,si tu étais coco,tu serais pas là".Franchement comique quand on connait l'utilisation intensive des écoutes faite par les régimes communistes.Bien sûr,les magouilles et les chausse-trappes pullulent dans la sphère politique,il serait idiot de prétendre le contraire,mais les coups viennent de tous les côtés et les machinations sont loin d'être aussi caricaturales que celle qui nous est proposée ici.Si vous êtes en quête d'une bonne politique-fiction paranoïaque,voyez plutôt le génial "Le dossier 51" de Michel Deville,à la réalisation autrement stylée et au scénario beaucoup plus fouillé et intelligent.Encore une fois,c'est le casting,composé de pointures,qui limite la casse.François Cluzet,bien que moyennement à l'aise dans un rôle mal écrit,fournit une performance solide.Denis Podalydès,impassible,et Sami Bouajila,minéral,sont prodigieux.Quant à Simon Abkarian,il apporte par le biais de son personnage de barbouze à l'ancienne,brutal et téméraire,une note de chaleur dans cet univers glacial.