Au delà de son titre poseur et de son synopsis un peu abscons, La Mécanique des flux est un très bon documentaire sur la migration.
Réalisé en petite équipe, quelques années avant que la "crise migratoire" ne prenne toute son ampleur dans les médias, le film de Nathalie Loubeyre propose un très beau voyage autour des frontières de l'Europe. Cela commence avec l'intégration de la Croatie dans l'Union Européenne, et une caméra embarquée avec les policiers chargés de bloquer "les flux de migrants", avant de passer de l'autre coté des caméras de surveillance, et découvrir peu à peu les migrants en question, la vie précaire qu'ils mènent, et leurs témoignages.
Ce qui fait la force de ce documentaire, c'est surtout sa construction, son montage, et la magnifique façon qu'a la réalisatrice de mettre en scène les paysages déserts à l'est de l'Europe et ses murs à peine visibles, ainsi que les visages, les silhouettes ou les traces laissées par des migrants qu'aucun mur n'arrête.
Oubliez donc les reportages effrayant montrant des masses de migrants s'échouer sur les côtes, ainsi que les images larmoyantes glorifiant les innocents de la migration. Ce documentaire arrive juste à donner de façon très simple, des moments d'expressions à des voyageurs en cours de route. Les histoires qu'ils racontent sont très souvent dures, parfois poétiques, et même surprenantes, quand on découvre soudain autour d'un feu improvisé dans une usine désaffectée un groupe de soudanais faisant une leçon de géopolitique dans le noir.
La mécanique des flux donne la possibilité de découvrir les paysages perdus et absurdes qui constituent les frontières, et les multiples voix éphémères de personnes trop souvent limitées à des chiffres ou des silhouettes dans les reportages. C'est sobre, engagé, et sans concession sur les cimetières invisibles constitués par les politiques des frontières de l'Union, mais à la fois profondément humain.