Premier long métrage de Claude Miller, La Meilleure Façon de marcher pose les bases d’un grand cinéma à venir, axé sur l’obsession et la monstruosité que les individus et la société font peser sur elle. L’écriture des dialogues privilégie la cruauté feutrée, composée de jeux de mots, de boutades et de provocations a priori amicales, que concurrence progressivement une mise en scène qui dévoile, qui met à nu lorsque les personnages ne parlent pas ou pas assez. Le point de non-retour se voit atteint quand Marc manque de noyer Philippe dans son propre vomi, rencontre entre le verbal et le physique proche en cela de l’esthétique de Bertrand Blier. La thématique de l’humiliation, issue notamment d’une interview du cinéaste Ingmar Bergman – dont un des films est diffusé à la télévision, Smultronstället (1957) –, est appliquée à l’intolérance sexuelle source de solitude. Le cinéaste crée ainsi un profond sentiment de malaise dans la relation homoérotique entre bourreau et victime, attirés l’un l’autre sans en connaître les raisons ; il sonde ainsi la nécessité du conflit au sein des rapports humains et l’attirante répulsion qu’exerce la différence sur une prétendue normalité. Cette intelligence de propos n’est pas sans lourdeurs d’exécution : les protagonistes restent enfermés dans des fonctions scénaristiques et ne disposent pas d’un espace de jeu suffisant à la construction d’un trouble véritable. Dit autrement, le long métrage force ses situations et cultive les tensions avec une certaine complaisance ; nous sommes loin de la virtuosité de Mortelle Randonnée (1983) ou de Dites-lui que je l’aime (1977), deuxième réalisation bien plus aboutie.