Il était temps de reprendre la saga de La Femme Scorpion là où je l’avais laissée, c’est à dire aux côtés d’un troisième épisode un peu en deçà de mes attentes, non exempt de qualités, mais quelque peu plombé par un message social et des soucis narratifs que j’ai pour ma part jugés comme pesant sur la dynamique du récit initial.

Malgré l’essoufflement de l’épisode précédent, il y avait fort à craindre suite au départ de Ito, jusqu’ici aux commandes, ainsi qu’à l’annonce de la retraite programmée de Kaji, qui s’en ira se la jouer blanche neige et les sept mains coupées dans une autre franchise bien connue des amateurs (Lady Snowblood, auquel Kill Bill pompera allègrement pas mal d’idées).

A ma grande surprise —et soulagement— cet opus s’est révélé être un (relativement) bon crû. Hasebe, qui reprend donc les rennes, s’en sort bien mieux que les puristes pourraient être tentés de croire. Là où les fulgurances arty de Ito se retrouvent un peu sacrifiées à l’efficacité de l’action, un rythme bien plus soutenu et une mise en scène efficace, notamment dans la première partie, viennent apporter leur lot de consolation.

En effet, cette première partie s’avère assez délectable : on prend plaisir à recroiser le minois de Kaji qui se fera un petit camarade apportant une nuance appréciable au traitement du genre masculin par rapport aux films précédents, on a de la planque ponctuée de petits moments de pudeur relevés par une musique impeccable et des plans touchants sur les visages des protagonistes, que traversent de fins rictus plein de tendresse —rares sur le facies de Sasori, faut il le préciser.

Oui, la musique au fait, elle est signée Hajime Kaburagi, vous savez, le mec qui s’est éclaté à nous faire chantonner sur Le Vagabond de Tokyo de Suzuki.

Ici le bougre pose le groove seventies, l’agrémente de psychédélique, d’instruments traditionnels, et de pas mal de bons moments en fait.

La mélodie de la rancune aurait été un bien meilleur film si seulement sa seconde partie n’accusait pas quelques longueurs et redondances. Après péripéties, tortures et trahison de rigueur, le retour à la case prison n’apporte vraiment rien de spécialement appréciable et inédit ; même si je n’ai pu m’empêcher de me marrer en apercevant des clones japonais de Morgan Woodward dans Luke la main froide (enfin, juste pour les lunettes, hein) en guise de gardiens de prison le fusil en main. D’ailleurs, en plus d’une certaine répétition, le passage agace presque par la gratuité sans intérêt des séquences d’humiliation et autres passages à tabac.

(J’aurais jamais cru écrire ça un jour)

Fort heureusement le final, qui marque un retour aux influences théâtrales de la mise en scène typiques Jushuu Sasori, vaut son pesant de cacahuètes, tant sur le plan visuel que dramatique (les derniers mots, définitifs, sont absolument remarquables). Une réussite qui caractérise d’ailleurs pas mal la franchise, dont les duels de conclusion s’avèrent toujours convaincants.

Absolument fatale et attirante, Meiko Kaji nous offre ses derniers regards assassins avant de quitter le navire et de laisser la place à Yumi Takigawa.

Sans rancune, j’espère.
real_folk_blues

Écrit par

Critique lue 821 fois

19
12

D'autres avis sur La Mélodie de la rancune

La Mélodie de la rancune
Gand-Alf
6

Dead girl walking.

Peu convaincus par le volet précédent, les producteurs remplacent Shunya Ito par Yasuharu Hasebe pour cette quatrième aventure qui ne diffère guère du précédent, tout en restant logique dans le...

le 25 juil. 2013

9 j'aime

La Mélodie de la rancune
Boubakar
5

L'adieu à Sasori

Alors qu'elle est toujours poursuivie par un officier de police redoutable, Sasori trouve refuge dans un cabaret, et pour la première fois, elle va rencontrer un homme positif, un ancien activiste...

le 27 mai 2023

1 j'aime

La Mélodie de la rancune
Hinfamous
5

La boucle

Après un troisième opus très, très, moyen, ce quatrième et ultime volet de la saga Scorpion a pour mérite de moins se perdre dans des effets de style ridicules (et qu'on ne vienne pas me dire que...

le 19 oct. 2024

Du même critique

Gravity
real_folk_blues
5

2013 L'odysée de l'espèce di counasse...

Évidemment, un pauvre connard cynique comme moi ne pouvait pas ne pas trouver son mot à redire. Évidemment, si je devais me faire une idée de la qualité du truc au buzz qu’il suscite, deux options...

le 28 oct. 2013

285 j'aime

121

Divergente
real_folk_blues
1

Dix verges hantent ces lignes...

Ça fait un moment que j’ai pas ouvert ma gueule par ici. J’aurais pu faire un come back de poète en disant de bien belles choses sur Moonrise Kingdom, vu récemment ; mais non. Fallait que ça...

le 15 avr. 2014

272 j'aime

92

Upside Down
real_folk_blues
2

De quoi se retourner dans sa tombe...

J’ai trouvé une formule tirée de ce film à la rigueur scientifique inégalable : Bouillie numérique + histoire d’amour = Twilight. Je soustrait les poils de Taylor Lautner et je rajoute des abeilles...

le 30 avr. 2013

243 j'aime

39