- Tu sais l'autre jour, j'ai croisé la daronne à Houcine. T'aurais vu comment elle était heureuse de me voir. Si elle savait que c'est nous qui lui avons enlevé la vie à Houcine.
- Houcine c'était un enculé Dris, d'accord ? C'était une balance.
- Même pas de circonstances atténuantes, rien : pires que des magistrats.
- Non, non ! Inverse pas les rôles. Nous on a jamais enlevé la vie à un lascar qui le méritait pas, jamais.
- Ouai ! C'est facile d'avoir raison quand c'est toi qui fixes les règles.
- Mais les règles il y en a qu'une. Tu casses pas les couilles : personne t'emmerde. Tu fais chier : on te pète les reins. Tu trahis : t'es mort. C'est la mentale : c'est la seule loi. Et tous les voyous la connaissent. Il y en a pas d'autres.
Incompréhension totale et coup de gueule !
Quelle mauvaise surprise en voulant poster ma critique que de constater les notes désastreuses sur ce film qui ne le mérite tellement pas. Voulant comprendre la haine du public autour de cette oeuvre, je me suis plongé dans une vingtaine de critiques, et de commentaires. Quelle fut ma surprise en découvrant les défauts qui remontaient le plus souvent.
J'en ai compté trois :
- 1) Celui qui ressort le plus souvent : Samuel Le Bihan est blanc alors qu'il joue un Arabe, et Clotilde Courrau fait la gitane.
Bon sang que j'ai grincé des dents en lisant de telles stupidités. Le film l'explique pourtant très bien, le personnage joué par Le Bihan au même titre que celui de Naceri est métis. Voilà précisément ce qui est dit :
" Ma mère est française et mon père, du bled. J'ai des neveux catholiques, gitans, et même juifs. Alors vous savez, moi, les races, les religions, je m'en bats les couilles."
Voilà tout est dit, c'est pourtant clair. Je n'arrive pas à croire que je vais devoir expliquer cela, mais bon pas le choix. Un métis n'est pas forcément mate de peau, quelques fois il peut prendre essentiellement du père, ou de la mère. De plus n'avez-vous jamais vu d'arabe blanc, ou noir ? Sortez un peu de chez vous s'il vous plaît car c'est tout bonnement ridicule. Surtout que c'est Samy Naceri qui a proposé le rôle à Samuel Le Bihan car il le trouvait parfait pour le rôle.
- 2) Ils parlent comme des kairas en insultant toutes les deux minutes et on ne comprend rien.
Je peux comprendre que si on n'est pas habitué à entendre ce langage cela peut être désagréable à l'oreille. Seulement, le film parle justement de lascar de cité employant un vocabulaire qui à l'époque (soit vers les années 2000) était courant. Le scénariste Larbi Naceri l'a justement bien précisé, il s'est inspiré de la réalité de la rue (dont il vient) pour écrire ses personnages. On ne lui reprochera pas de coller avec le langage réel utilisé. C'est comme si on reprochait à un film québécois de parler avec l'accent québécois, vous êtes d'accord que c'est idiot, bien c'est pareil.
- 3) C'est du déjà vu, ce film repompe sur tout ce qui existe déjà dans les films mafieux, on connaît déjà tout du film.
Voilà un argument qui peut être entendu, cependant l'originalité de ce film vient justement de l'endroit où se passe l'histoire, car ici on ne parle pas de mafieux italien, ou américain, mais de lascar de cité, des voyous n'ayant rien à voir avec la mafia. C'est justement ( à l'époque ) un argument original, de par le cadre où se passe justement l'intrigue, ainsi que les personnages qui l'alimentent.
Ici on parle de La Mentale ( le code d'honneur) qui se définit en 3 règles : 1) Savoir se taire, 2) Protéger sa famille, 3) Ne jamais trahir. C'est la loi au-dessus des lois, et c'est sur cela que le film est construit.
Attention, je ne dis pas que ce long-métrage n'est pas critiquable. Tout le monde est libre d'aimer ou de ne pas aimer une oeuvre, seulement lorsque je vois les arguments principaux utilisés contre ce film, je trouve cela désespérant. Que l'on critique le jeu de certains comédiens, la réalisation de Manuel Boursinhac... aucun problème, mais fonder des arguments si médiocres que ceux que j'ai remonté pour détruire La Mentale est totalement gratuit et infondé. À se demander si on le punit simplement parce qu'il est coupable d'être un film français essayant de proposer autre chose.
Maintenant parlons du film ##
Manuel Boursinhac présente un polar noir réaliste et authentique qui nous immerge dans un univers violent où la seule loi qui régit les voyous est celle de La Mentale. Écrit par Larbi Naceri, celui-ci présente un film mature, pessimiste et fataliste en posant un contraste intéressant via les personnages principaux Yanis, incarné par Samy Naceri, et Dris, par Samuel Le Bihan. Alors que Dris veut se ranger auprès de sa compagne Lise (Marie Guillard) après une peine de prison de quatre ans, son cousin Yanis fait tout pour le faire revenir dans sa bande, ne comprenant pas pourquoi il devrait se contenter de peu en se tuant à la tâche pour un Smic. Un constat clair qui pose les motivations de Yanis, car voyant comment la famille après des années de travail est devenu l'objet d'un tel mépris de la société, condamnant son père à une mort lente, il préfère se réfugier dans la loi de la rue, avec ce qu'elle a de plus bel et facile ( l'argent, le respect), mais aussi de dure ( la mort).
La Mentale est un film aux multiple trames, riche en subtilité définissant avec authenticité la vie d'une bande de gangsters, sans en faire des tonnes, ni en tombant dans une mauvaise caricature d'une oeuvre de Brian de Palma, Martin Scorsese, ou Francis Ford Coppola ( une fois de plus rien à voir, on traite de banditisme français et non de "mafia"). Une histoire de gangster qui ne pardonne rien à ses personnages principaux, dont on voit le bon côté, mais aussi le mauvais, en laissant une large place au contexte familial afin de mieux saisir les enjeux de chacun et le pourquoi du comment. Un polar tragique au récit humain, comportant une histoire qui sonne vraie, avec des personnages attachants et brutal.
L'intelligence des séquences se conjugue merveilleusement avec la véracité des dialogues, le scénario bien ficelé, le réalisme, la pertinence de l'intrigue, l'intensité des confrontations, la mise en scène astucieuse, la profondeur des personnages, et la superbe composition musicale de Titi Robin. Finalement et malgré les motivations de certains, nul n'échappe à son destin, nul n'échappe aux conséquences, nul n'échappe à la Mentale.
Le casting est très bon, Samy Naceri est absolument génial, il est totalement possédé par son rôle. Il incarne Yanis un homme droit sur qui on peut compter, qui n'est régis que par les lois de la Mentale. Sous son costume saillant, et son sourire tapageur se cache un animal féroce au regard transperçant qui n'hésite pas, sans la moindre pitié à sauter à la gorge de quiconque lui barre la route. Capable du pire, comme du meilleur avec son père malade qu'il cajole en redevenant l'espace d'un instant un enfant qui s'endort tendrement sur l'épaule de son papa. Il est touchant, il est flippant, il est un génie, livrant une performance bluffante. Samuel Le Bihan bien que critiqué sans sort habilement dans le rôle de Dris ancien gangster en quête de rédemption rongé par ses vieux démons. Dris ne croit plus en la Mentale, selon lui l'honneur n'est plus, pourtant il est constamment partagé entre sa vie d'avant avec Yanis et la bande, et son potentiel futur avec Lise celle qu'il aime. Le Bihan/Naceri forme un duo impeccable, amenant une identité et une dynamique à ce polar grace à des prestations sincères. N'oublions pas Michel Duchaussoy dans le rôle de Flèche le pourrit de l'histoire, ainsi que Clotilde Courau qui dans le rôle de la gitane Nina ( n'en déplaît à certains) est convaincante.
CONCLUSION :
La Mentale est un film réaliste accès sur le banditisme français, présentant un véritable état d'esprit dans l'écriture qui n'est pas sans rappeler Melville. Le réalisateur Manuel Boursinhac sous la plume passionnée de Larbi Naceri présente un polar noir d'une violence implacable à la résultante inexorable. Une oeuvre intense, dramatiquement dure pouvant compter sur un casting exceptionnel avec le duo efficace : Samuel Le Bihan/Samy Naceri. Une oeuvre à laquelle il est difficile de ressortir intact. N'ayez pas peur des mauvaises notes qui ne sont absolument pas représentatives du travail fourni et lancez-vous.
À regarder absolument !
- Ma parole, j'y crois pas ! T'écoutes de l'opéra, toi ?
- Ah ah ! Non, non juste celui-là, " Don Giovanni ". C'est une bourge que je me suis faite. Elle m'a dit que c'était l'histoire d'un lascar qui nique la zawja partout où il passe. Il calcule personne le gadjo. Il nique tout ce qui bouge...
- Un peu comme toi.
- ... les lois, l'autorité, même pas Dieu, il respecte personne.
- C'est ce que je dis, comme toi.
- Ah ah ! Non, moi Dieu, je respecte. Lui et moi, on a fait un pacte. Je lui casse pas les couilles : et il me laisse tranquille.
- Starf Allah !
- Ah Ah ! Il s'en bats les couilles de quoi on parle. Bon t'enquilles avec nous sur le prochain boulot, ou pas ? C'est du nougat, Dris. J'ai tout dans les pattes. C'est le convoyeur qui nous rencarde. Bon pour nous ce cave, il se prend pour un voyou. Si tu vois les affaires qu'il nous ramène. 5 milliards, 5 milliards, ça te dit quelque chose ?
- 5 milliards...
- Bein oui ! Baltringue de smicard ! On y va on ramasse et on rentre se coucher, peinards.