Le couple mythique de Quai des Brumes se retrouve devant la caméra de Jean Delannoy dans un drame sentimental moins convenu qu’on pourrait l’imaginer. On peut bien railler l’académisme du réalisateur de La symphonie pastorale, n’empêche que pour l’époque il fait preuve de beaucoup d’intelligence et d’habileté dans la construction en flashbacks de ce film auquel un critique a trouvé, avec raison, des accents bergmaniens. Il tire par ailleurs le meilleur de ses deux acteurs vedettes, avec un Gabin particulièrement subtil qui révèle toutes les facettes de son personnage à la fois dur et fragile, violent ou désespéré, cynique ou compatissant. Magnifiquement photographiée, Michèle Morgan est d’une beauté à couper le souffle et elle apporte elle aussi une vraie profondeur à son personnage de comédienne tout sauf frivole mais qui se lasse peu à peu de la vie bourgeoise pépère que lui offre son toubib de mari. Malheureusement, le peintre incarné par un Daniel Gélin affreusement cabotin est beaucoup trop caricatural et l’on peine à comprendre qu’il soit suffisamment tourmenté et amoureux pour mettre fin à ses jours lorsque Madeleine lui fait comprendre qu’elle veut mettre fin à leur liaison.