Il est un ancien monde où le logo d'Universal trônait encore à la place de celui de Netflix et où Helena Zengel ne criait pas devant des fonds verts qui lui font perdre le regard. Il est un ancien monde où Donald Trump était président et lors duquel il fallait encore faire de mauvais film pour de bonnes raisons, plaquant les sabots larges de la réconciliation des Etats-Unis et du vivre-ensemble. Il est aussi un ancien monde, pourtant pas si lointain, où le western était un genre pétri d'ingéniosité, d'émotions et d'une dramaturgie vigoureuse. Il est un ancien monde qui n'est plus...
La Mission qui se situe cinq années après la fin de la Guerre de Sécession, raconte l'histoire d'une relation entre deux orphelins que tout oppose : l'âge, le sexe, la culture et la langue. D'un côté, le capitaine Jefferson Kyle Kidd (Tom Hanks), vétéran de guerre, sillonne le pays de ville en ville et tient les gens informés, grâce à ses lectures des nouvelles du monde. En traversant les plaines du Texas, il croise le chemin de Johanna (Helena Zengel, excellente interprète de Benni qui a été employé pour jouer le même rôle à peu de chose près), une enfant de 10 ans capturée 6 ans plus tôt par la tribu des Kiowa et élevée comme l’une des leurs. Perdue et abandonnée, la jeune Johanna sera prise en charge par Kidd qui décide de faire de son rapatriement à sa famille originelle, sa mission.
Pendant des centaines de kilomètres, alors qu’il traverse une nature hostile teintée d'effets numériques insensés, le duo doit affronter des écueils plutôt peu écueillants, des péripéties tirées par les cheveux, virant à l'alopécie, sans jamais, et c'est le grand drame, si ce n'est le seul de ce drame, écumer les émotions de son spectateur qui en vient à confondre son fond d'écran Windows avec le film réalisé par Paul Greengrass. La Mission est un long-métrage qui a indéniablement la mort dans la peau, peut-être dans celle d'un mannequin plastique. Il lorgne même du côté de Lynch dans une scène où la charrette accélère (rappelant le tracteur moteur d'Une histoire vraie) ainsi qu'en direction de Mad Max Fury Road - rien que ça, lors d'une scène de tempête de sable. Seul grain bon à conserver comme un galet poétique déniché sur une plage lissée : la musique signée par James Newton Howard. Il était un film sitôt critiqué, sitôt oublié...