5 réflexions à propos de "News of the World" :
1) on a échappé au pire avec l'insupportable Paul Greengrass, il a pour une fois à peu près calmé sa caméra virevoltante qui rend depuis des années irregardables la majorité de ses films, quel que soit leur sujet. Ici, Greengrass se souvient de John Ford, et ça lui fait du bien. A moins qu'il n'ait simplement pris un coup de vieux, ce qui serait une excellente nouvelle, pour le coup.
2) Oui, Tom Hanks est depuis plusieurs décennies déjà le véritable "héros américain", n'en déplaise à Trump qui n'apprécie certainement pas le discours "de gauche" (enfin, pour les USA !) que tient son personnage d'ancien militaire ravagé par la perte de sa femme. Mais cela n'excuse pas pour autant Hanks d'en faire aussi peu ici... Sobre : parfait. Minimaliste OK. Frôlant l'inexistence à l'écran : non.
3) Difficile de dire si les scénaristes de "News of the World" ont bien réfléchi à l'évolution des "nouvelles" divulguées au bon peuple américain durant le film : elles sont d'abord "objectives", instrument de connaissance, offrant une fenêtre sur un ailleurs que les villageois ont du mal à appréhender ; elles sont ensuite "politiques", portant un discours de rébellion possible contre les vices primitifs de l'Amérique et la figure trumpienne du magnat dictateur ; elles deviennent finalement un simple divertissement, centré autour du fait-divers pour faire rire le public. A se demander s'il y a là une critique de l'évolution du journalisme, ou seulement le bon vieux crédo américain : "Make Them Laugh !"
4) Le thème le plus intéressant du film, même s'il est un peu convenu, est sans doute l'opposition entre la vision linéaire de l'existence qu'on les Occidentaux (le temps et l'espace sont des lignes droites, il faut avancer pour évoluer...) et la vision cyclique des Indiens (la correspondance permanente dans l'univers entre le grand et le petit, l'homme et la nature). C'est bien beau, mais le film fait finalement, et de manière bien traditionnelle, l'éloge du progrès, de la marche vers l'avant. Les Indiens restent derrière et disparaissent dans la nuit de l'oubli.
5) Le langage reste dans la culture étatsunienne ce qui divise, ce qui sépare, l'obstacle au progrès : si l'on ne comprend pas l'autre - qu'il parle un dialecte indien ou bien allemand - c'est toujours le problème de cet autre : on apprendra bien quelques mots de la langue de l'autre, mais pas trop, car c'est à lui de s'assimiler, de changer, pour devenir Américain.
Malgré tout, "News of The World" ("la Mission" est un titre stupide, décalé par rapport au scénario, et de plus déjà utilisé plusieurs fois avant) est un joli moment de cinéma : on aura même cru reconnaître lors de la scène de l'affrontement dans les blocs rocheux un hommage à Anthony Man et à James Stewart, ce qui nous aura fait bien plaisir. On n'en voudra donc pas trop à Greengrass et Hanks et à leur équipe.
[Critique écrite en 2021]