Après la guerre, c'est la folie amerloque, le plan Marshall a inondé l'Europe de l'hégémonie US qui fourgue son Coca Cola, les Lucky Strike, le rock'n'roll et ses westerns... Dans le lot, il y a Eddie Constantine, un obscur chanteur de jingles publicitaires à New York qui d'un seul coup se retrouve à Paris dans l'industrie du cinéma populaire. A la même époque, Maurice Duhamel a lancé la collection Série Noire, et on accueille en France favorablement les romans de Peter Cheyney (alors qu'il était Anglais) qui se résument par des intrigues policières simples mais truffées d'humour et de langage argotique. "La Môme vert-de-gris" est le numéro 1 de cette collection appelée à devenir mythique. Ce sera aussi le premier film à approcher cet univers Série Noire, dont beaucoup adopteront le même style, tels certains films de Gabin adaptés des romans d'Albert Simonin, que personnellement je considère comme le Peter Cheyney français.
Mais Cheyney, c'est spécial, il y a un truc là-dedans d'indéfinissable qui m'attire irrésistiblement, d'où ma note que certains trouveront sans doute généreuse ; mais on peut affirmer que ce film est aussi le meilleur de la série. C'est en tout cas le prototype de ces petits polars populaires français tournés avec peu de moyens, dans une ambiance joviale, et où l'intrigue comptait moins que les aventures et le comportement du héros. Ce héros, c'est l'agent du FBI Lemmy Caution, une sorte de brute épaisse mais au charme très ricain, qui trouve son interprète idéal en la personne d'Eddie Constantine ; avec son allure flegmatique, son accent américain, ses répliques ironiques, sa façon de se bagarrer ou de jouer du Lüger, il fit un malheur. Pendant 10-12 ans, les films vont s'enchaîner à un rythme d'enfer, 4 ou 5 par an, avec des scénarios le plus souvent approximatifs, tournés à la va-vite, en noir & blanc, qu'importe pourvu que ça swingue et qu'il y ait du whisky et des p'tites pépées.
Bernard Borderie avant de se spécialiser dans le film de cape & d'épée, se lance dans l'adaptation de ces films d'après les bouquins de Cheyney, on retrouve donc Lemmy Caution dans Cet homme est dangereux, les Femmes s'en balancent, Comment qu'elle est?, Lemmy pour les dames et A toi de faire mignonne. Même quand il n'incarne pas Lemmy, Eddie Constantine est toujours un héros ricain dans d'autres pochades du même tonneau comme Je suis un sentimental, Ca va barder, Lucky Jo ou le Grand bluff... on le voit même en 1968 aux côtés de Johnny Hallyday dans A tout casser.
Borderie fit preuve d'une certaine habileté dans la mise en scène de ces actions mouvementées qui n'étaient pas à prendre au sérieux, et d'ailleurs, je recommande les 2 autres films qui ont suivi la Môme vert-de-gris, à savoir Cet homme est dangereux et les Femmes s'en balancent, le reste est dispensable, ces films adoptent toujours les mêmes recettes, ça finit par lasser. Et puis vint James Bond qui écrasa tout, la popularité de Lemmy Caution en prit un coup, et il faut avouer que vu aujourd'hui, la Môme vert-de-gris a pris un coup de vieux, certes c'est démodé, mais c'est le reflet d'un certain type de cinéma avec un charme rétro typique des années 50, il ne faut donc pas trop le dédaigner, il faut le recontextualiser car c'est une curiosité.