La Momie (2017) est bien plus un remake de La Momie (1999) que de La Momie (1932) ou de La Malédiction des Pharaons (1959). Dès son introduction menée tambour battant, cette réactualisation du mythe d'Imhotep, remplacé par la perfide Ahmanet, tourne plus du côté de la légèreté du film de Sommers que de la sobriété dramatique des versions plus anciennes, moins concernées par l'aspect pétaradant du grand divertissement que par l'intimisme d'une histoire d'amour impossible.


Si la version de Stephen Sommers reprenait brillamment la triste destinée de l'Imhotep de 1932, concrétisé par sa personnalité nuancée et sensible, cette réactualisation de 2017 décide de virer du côté de l'action décérébrée en réduisant son antagoniste à une entité profondément mauvaise et cruelle, dont le seul but n'est plus de se reposer aux côtés de son bien-aimé, mais de diriger son royaume quoi qu'il en coûte.


On ne pourra que saluer le fait que Kurtzman n'hésite pas à partir à fond dans cette direction : loin de vouloir reproduire le schéma des précédents (encore qu'il reprend un paquet d'éléments de la version de 99, que ce soit des emprunts ou des références), il va jusqu'à désacraliser totalement l'amour par le développement de personnages cruels ou simplement insensibles (enfin, jusqu'à ce que survienne l'inévitable rédemption en fin de film). Si l'on ne pourra qu'être surpris, au premier abord, de l'évincement total de la dimension sensible de la Momie, le personnage de Tom Cruise est celui qui représente le mieux cette évolution d'écriture prétendument profitable à la franchise.


Celui que l'on considérait, à juste titre, comme un sous Rick O'connell grotesque présente, à mieux y réfléchir, une personnalité propice à la propulsion du Dark Universe dans le box office international. Enfin, théoriquement. Celui dont on ne se souvient pas du nom (comme de tous les autres protagonistes du film, dont la Momie) -après vérification, Nick Morton- développe les deux principales directions de ce reboot, qui le différencient de ce que la franchise a pu proposer jusqu'ici : l'ultra-spectaculaire des cascades et des films habituels de sa tête d'affiche, et l'humour lourdingue des super-productions popularisé par la grande saga Marvel.


En pratique, le manque de talent, et accessoirement de finalité préétablie, du film d'Alex Kurtzman a empêché le Dark Universe de se lancer : le réalisateur n'étant ni Brad Bird ni Christopher McQuarrie, la direction d'acteurs et les plans pensés pour être esthétiques laissent à désirer. Si l'on ne peut pas lui retirer une certaine maîtrise dans la confection des ses scènes de combat et la composition de certains plans larges ou dynamiques (le plan fixe dans l'avion, avec la moitié de la carlingue explosée, est une réussite), l'absence de vision d'auteur du film détruit toute tentative d'apporter un vent d'air frais dans la saga.


Cela tient, du côté du visuel, du fait de cette photographie banale qui ôte toute épaisseur au reste de la mise en scène : les couleurs, si ternes qu'elles ne sont jamais ni trop sombres ni trop lumineuses, rendent le film si fade que tous les efforts développés par Kurtzman pour que son œuvre devienne plus qualitative en termes cinématographiques s'effondrent comme de pauvres dominos en papier.


Alex Kurtzman n'est bien sûr pas innocent à la débâcle artistique de l'œuvre : avoir décidé de mêler la gravité des films d'horreur modernes à la légèreté comique des adaptations de comics Marvel (ou DC, si l'on considère Justice League et Shazam!) bloque tout espoir d'avoir une œuvre homogène et solide. Quel que soit l'enjeu, qu'il soit dramatique, du domaine du mélo ou de la tragédie, le jeu en roue libre du casting (sans autre exception que la charismatique Sofia Boutella, loin d'être au summum de ses capacités) et l'écriture grotesque des dialogues ne peuvent que les réduire à l'état de simple idée non exploitée.


Cela fonctionne quelques fois, bien sûr, principalement aux occasions où on l'attend le moins; mais réussir à tenir deux heures de film sur un rythme aussi bancal et incertain, qui tente justement de tâter le terrain en vue d'une future franchise de films de monstres reliés entre eux, laisse sur une impression de bordel artistique immonde et sans autre sens que prendre la température auprès du public de ce qui rapportera le plus de pognon à la Universal.


Pas étonnant, bien sûr, que le Dark Universe ne se soit pas lancé après des premiers pas si peu sûrs (après une première tentative ratée, Dracula Untold). Dommage, cependant, que cette première Momie ne donne pas de suite à sa fin ouverte emplie de mystère, qui donnait lieu à des questionnements et des espoirs inattendus pour la suite (tout autant que l'était son climax en dents de scie).


Oublions la bouillie numérique de ses effets spéciaux, la bêtise de ses dialogues, le grand n'importe quoi de son jeu d'acteurs et la fadeur de sa photographie : La Momie est un blockbuster de super-héros comme tant d'autres, le premier avec Tom Cruise, qui marque au moins la rencontre entre le scientologue et Russell Crowe et tente suffisamment de choses pour marquer, quelques heures après le visionnage du moins, l'imaginaire du spectateur.


Disons que dans une décennie de produits formatés qui ne tentent plus grand chose, tomber sur une œuvre en deçà du niveau habituel mais éprise d'une volonté de changer certains éléments d'écriture et de mise en scène a ceci de rassurant qu'on en vient à avoir de l'espoir pour l'évolution des blockbusters modernes : si même Alex Kurtzman, Yes Man par excellence qui produit plus que ce qu'il réalise, essaye de dynamiter les climax clichés de ces trente dernières années, peut-être que d'autres films, au budget plus importants et aux enjeux plus sérieux, feront bouger les choses une bonne fois pour toutes et nous proposeront une nouvelle façon de considérer le divertissement à grande échelle.


Attendons en observant.

FloBerne

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