... you think I don't like it."
Difficile de voir dans La Mort apprivoisé" (aka The Small Back Room), film de guerre froid et sec en noir et blanc centré sur les recherches scientifico-milaires loin du front pendant la Seconde Guerre mondiale, le duo de réalisateurs ayant produit Les Chaussons rouges juste avant (1948) et Les Contes d'Hoffmann juste après (1951), deux romances musicales arborant les traits du conte enchanteur... C'est un peu le même sujet que Démineurs (The Hurt Locker) de Kathryn Bigelow sans tout le versant qui a trait au concours de virilité : on suit le chercheur Sammy Rice, interprété avec justesse par David Farrar, dans son laboratoire et sa collaboration avec l'armée. Son personnage jouit d'une psychologie assez travaillée, avec son tempérament réservé, ne bénéficiant pas de louanges concernant ses travaux fructueux, en perte flagrante de confiance en lien avec son infirmité : il a subi une amputation du pied pour des raisons qui sont laissées à l'imagination du spectateur. Et dans ce contexte, l'aviation allemande largue des bombes camouflées en objets tubulaires un peu partout au sud de l'Angleterre, et on lui confie la mission d'étudier le mécanisme sous-jacent afin de mener à bien leur déminage.
L'adhésion à un film comme The Small Back Room tiendra essentiellement à la capacité de chacun de faire abstraction de quelques bizarreries scénaristiques — on ne comprend pas vraiment en quoi la compréhension du mécanisme d'armement des bombes justifie de sacrifier autant de personnel en les manipulant alors qu'il suffirait de les faire exploser à distance en toute sécurité... Le métier de démineur a probablement beaucoup évolué en un demi-siècle. Mais l'intérêt principal ne réside pas là : c'est bien l'étude de caractère qui en suscite le plus. Sammy est un personnage assez atypique, au cœur de la guerre mais pas du tout glorifié en héros viril, largement décrédibilisé par son rapport addictif à l'alcool. En ce sens on pense au film presque contemporain de Billy Wilder, Le Poison, à ceci près qu'ici l'alcoolisme n'est qu'un rouage au sein d'une mécanique plus générale, et qu'il est à l'origine de plusieurs séquences mémorables : une scène dans laquelle le héros est en proie à des hallucinations dantesques, avec un cauchemar surréaliste d'intensité croissante dans lequel les perspectives sont malmenées et des bouteilles géantes menacent de l'écraser, et une autre purement basée sur le suspense où une opération de déminage tourne à l'épreuve absolue, menacée par la panique et la gueule de bois.
Dans la toile de fond, une relation sentimentale loin d'être anecdotique se tisse avec son amie et voisine de palier. Un officiel joué par Robert Morley est à l'origine, aussi, d'une séquence plutôt comique de visite du laboratoire. L'intrigue met un certain temps à s'installer et la première demi-heure peut paraître excessivement longue, tout comme le final semble un peu trop fier d'arborer sa morale bien propre. Mais ces points faibles sont assez bien contrebalancés par la rigueur de la photographie et de l'interprétation, ainsi que par l'étrangeté de sa narration.
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