North by Northwest annonce dès son titre les idées d’un déplacement géographique et d’un dérèglement de l’identité, le « nord » devenant « nord-ouest » : en effet, les personnages ne vont qu’entrer et sortir, fréquentent des espaces tantôt urbanisés tantôt désertiques, dorment dans des hôtels luxueux ou dans des trains, empruntent divers moyens de transport (voiture privative, taxi, locomotive, avion, bus) et sont poursuivis par d’autres, parcourent différents états américains, dessinant ainsi une carte de l’Amérique perçue par ses lieux emblématiques, de New York au Mont Rushmore. Le britannique Alfred Hitchcock se revendique touriste, en témoigne son apparition initiale, et représente le voyage par le double prisme de l’altérité et de l’altercation : les quiproquos s’enchaînent et secouent les certitudes d’un individu dont la routine pépère lui aurait, selon ses dires, déjà coûté deux mariages ; il conquiert une âme d’aventurier tout entière incarnée en Eve Kendall, séductrice aux multiples visages qui, comme toujours chez le cinéaste, constitue le support physique sur lequel il projette ses passions, ses pulsions et ses peurs.
La magnifique photographie, sublimée par le format VistaVision, et la partition de Bernard Herrmann achèvent d’ériger le long métrage au sommet de la filmographie d’un artiste qui transpose ici ses thématiques de prédilection dans un genre cher au cinéma américain, à savoir l’espionnage paranoïaque.