Reservor Dogs au Kremlin
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J’y suis allé sans avoir lu la bédé dont il est tiré et je croyais qu’il s’agissait d’une comédie délirante. Cela n’est pas vraiment le cas : l’humour n’est pas délirant mais très noir, percutant et d’une noirceur presque effrayante. Le coup porte avec une grande puissance. Bien entendu qu’il s’agit d’une comédie, que les personnages et les situations sont caricaturées, néanmoins avec le système oppressant du stalinisme, la réalité historique des événements et l’atmosphère qui régnait dans les couloirs du Kremlin ressemblaient sans doute à cela.
Il faut absolument souligner l’excellent travail d’écriture qui réussit la gageure de produire un équilibre parfait entre la satire, l’absurdité et l’horreur de cette situation. Je ne sais si on doit cet extraordinaire exploit aux auteurs de la bédé, si cela était déjà le cas avant même l’adaptation ciné, ou si c’est une magnifique scénarisation que l’on doit saluer.
On rit et pourtant ce qui nous est décrit est pour le moins terrifiant. Le film dépeint un monde étouffant, ultra violent, la réalité sordide du monde soviétique au moment le plus terrorisant de son totalitarisme. Ce système politique ultra policé et coercitif est donc présenté non pas avec légèreté, mais avec suffisamment d’humour pour trouver la bonne distance et faire de ce film un moment agréable et non une expérience douloureuse où le pathétique prend le dessus. C’est là l’incroyable, le funambule alliage entre humour et réalité historique qui fait de ce film une belle réussite.
Une surprise à laquelle les nombreux comédiens prennent une part très importante. Jouant de façon très précise et très sérieuse des situations ubuesques, ils parviennent par contraste à révéler l’absurdité de cette situation dans laquelle l’idéologie et le système totalitaire les enferment.
Steve Buscemi est excellent, pierre angulaire du ressort comique dans le scénario en zébulon plus réfléchi qui essaie tant bien que mal de garder le contrôle sur un événement qui manifestement n’en finit pas de déraper. Simon Russell Beale joue un monstrueux Beria. Froid et adipeux, il est sans doute le plus effrayant des personnages. Jeffrey Tambor interprète un imbécile dont on se demande comment il a pu atterrir ici.
Car à l’incompétence, à la folie générale qui règne au sommet du pouvoir l’incurie et la bêtise sont maîtresses. Le sentiment d’impunité des uns, la peur des autres forment un tout particulièrement nauséabond, mais, encore une fois, le scénario et la mise en scène, le bon tempo et les acteurs réussissent à rendre l’ensemble cohérent, spectaculaire, drôle... en un mot : plaisant.
http://alligatographe.blogspot.com/2018/06/death-stalin-buscemi-iannucci.html
Créée
le 8 juin 2018
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