Le film est en deux parties. Des orpailleurs sont jetés de leur concession par un cuadillo local. La révolte gronde et finit par éclater. Plusieurs personnages se retrouvent obligés de fuir : Castin (Vanel), le seul personnage honnête, qui veut rentrer à Marseille fonder un restaurant, avec sa fille Maria, sourde, souriante et simplette : il est pris à tort pour un des meneurs de la révolte ; Lizzardi, un missionnaire catholique ami de Castin, mais à la fonction ambigu ; Chark, un aventurier qui a dévalisé une banque, mais s'avère dans la poursuite un chic type ; Djin (Signoret), tenancière de bouiboui qui ne roule que pour elle, et avec qui le naïf Castin veut se marier. Ils fuient en bateau, mais, poursuivis par les soldats, ils doivent s'enfoncer dans la jungle.
La pluie, les bêtes ont raison de la santé mentale de Castin, persuadé de subir une punition divine. Le reste de la troupe ne vaut guère mieux, surtout quand ils réalisent qu'ils ont tourné en rond, revenant à leur feu initial. Mais Chark part seul en éclaireur, et revient avec... une valise remplie de victuailles. Miracle : une épave d'avion contient mille merveilles. Maria trouve des bijoux, mais le prêtre les lui confisque, en réalité pour les cacher pour lui-même. Djin le surprend et les lui vole. Elle avoue à Chark ses sentiments, après avoir enfilé une robe de soirée prise sur l'épave, mais elle meurt, ainsi que Lizzardi, sous les balles de Castin devenu fou (il a jeté son pactole à l'eau). Chark le tue et vogue avec Maria sur un canot gonflable.
Un film d'aventure tropicale dans la lignée du Trésor de la sierra Madre". Un peu comme le salaire de la peur (dans lequel jouait Vanel), mais sur fond de lutte des classes entre orpailleurs individualistes, sans foi ni loi à quelques exceptions près, et pouvoir militaire tropical corrompu. La première partie fait plutôt penser à un film français, où les acteurs donnent leur réplique avec cette gouaille de titi des années 1950, qui passe bien chez Vanel, mais qui fait très stéréotypé chez Simone Signoret en tenancière de bistro dessalée. La seconde partie s'avère bien moins stéréotypée et fait plus penser à un film d'action à l'américaine (y compris dans les cadrages). Il faut dire que Georges Marchal, qui incarne Chark, a de faux airs d'Alan Ladd, et que Michèle Girardon est sculpturale pour son premier rôle au cinéma.
Si la fin fait vraiment cliché, avec d'autres péripéties typiques du film de jungle qui feront aujourd'hui sourire (ceux qui ont lu Voyage au bout de la lune de Goossens me comprendront), le dernier tiers du film mêle onirisme et impression de fatalité étouffante, avec cette épave d'avion très tintinesque, et ces scènes étranges de luxe au milieu de la jungle. Et puis il y a une charge contre la religion catholique toujours aussi féroce chez Bunuel, je le respecte beaucoup pour cela.
Quelques plans qui m'ont marqué :
- Bel éclairage dans la scène de prison (30 : 35).
Des fourmis rouges dévorant un python éventré.
Un plan du rond point de l'Arc de Triomphe qui se fige avec un bruit de son qui déraille puis cut sur le prêtre regardant une photo de l'Arc de Triomphe en pleine jungle.
La mort en ce jardin a vieilli dans les moments où il s'inscrit résolument dans le film de genre, et ce n'est pas le film le plus personnel de Bunuel, mais il réserve l'atmosphère onirique et de belles surprises guettent le promeneur derrière les fourêts.