Un film se déroulant en partie dans la jungle, réalisé par Luis Buñuel le pape du surréalisme... de quoi donner envie de découvrir cette œuvre au titre presque Beaudelairien : La Mort En Ce Jardin.
En pleine période "mexicaine", et alors qu'il vient de réalisé l'étrange La Vie Criminelle d'Archibald de la Cruz l'année précédente, le réalisateur emmène son équipe quelque part à la frontière du Brésil et tourne un film d'aventure trépidant dont il débarrasse l'emballage de tout artifice pompeux. Ici pas de héros bravache séducteur et courtois, les héros baffent les femmes et y prennent même une sorte de plaisir, les héroïnes ne s'embarrassent pas des états d'âme de la bienséance et la morale religieuse est souvent mise à mal.
Construit en deux parties assez distinctes, une première montrant les déboires d'une équipe de chercheurs de diamants qui subissent les agissements brutaux d'un nouveau pouvoir dictatorial, dans laquelle le réalisateur dresse le portrait de ces différents protagonistes : le héros viril et brutal interprété par l'une des figures du péplum Georges Marchal, un vieil homme éreinté joué par Charles Vanel et sa fille sourde et muette, une prostituée au grand cœur quand même un peu "salope" magnifiquement joué par une Simone Signoret très sexy et un prête franciscain à la morale parfois douteuse à qui Michel Piccoli prête ses traits. Cette première partie s'attache à nous dévoiler toute une palette de personnages haut en couleur dans toutes leur caractéristiques avec une sorte de masque de bienséance. Une bienséance qui explose littéralement dans la seconde partie.
Enchaînant sur un segment plus sec possédant un vrai souffle épique, Buñuel amène tout son petit monde dans une jungle impitoyable où ils les confrontent à dame nature, et met à nu leur véritable identité face à la forêt prédatrice. Cette seconde partie est disons le, le morceau de bravoure de ce film qui souffre parfois de quelques longueurs dans son premier segment. Un véritable hommage vibrant au film d'aventure en milieu inhospitalier est dressé de manière majestueuse de par une réalisation nerveuse trouvant son apogée dans quelques scènes quasi-surréaliste, la patte Buñuel en action.
En plus d'un vrai film épique et vivifiant, La Mort En Ce Jardin est aussi une œuvre à connotation psychologique intense qui met en évidence l’ambiguïté de ces personnages tantôt cruels, tantôt fragiles, humains tout simplement. Le travail sur la photographie, stupéfiante de beauté avec ces couleurs rayonnantes est à noter, le chef op' n'est pas un manche et ça se voit à l'écran.