Un des films qui a tourmenté la fin de mon enfance avec les Alien et quelques autres, c'est La mouche. Il me foutait les jetons quand j’avais 10 ans, c’était le bon moment pour le voir. Un peu plus grand ça ne m'aurait pas fait un tel effet, un peu plus petit je n’aurai pas pu aller au bout. Un remake qui essaie de rendre un film qui avait une approche finalement très classique de l'horreur aussi réaliste que possible dans son genre. Voyons si Cronenberg a réussi à le tirer vers le haut :
Le personnage principal est Seth Brundle, joué par Jeff Goldblum. Un savant aux goûts vestimentaires et capillaires douteux, même dans les années 80, c’est vous dire… Il travaille sur un téléporteur, qui est au point pour téléporter les objets inanimés. Mais passer aux êtres vivants est une autre paire de manches. Il présente son invention à Veronica Quaife, une journaliste qui va le suivre dans ses recherches pour perfectionner son invention. Le premier acte du film et la relation que les deux entretiennent n’a pas un intérêt dingue mais il n’y a pas de détours ou de sous-intrigues inutiles, et les possibilités que la machine pourrait offrir garantissent une certaine curiosité.
C'est fou d’ailleurs comme l'ère de l'informatique de masse qui débarquait dans les années 80 a permis de faire des films qui paraissaient scientifiquement plus crédibles qu'avant car l'immense majorité des gens ne connaissait rien aux possibilités d'ordinateurs. Aujourd'hui des trucs qui paraissent super cheap devaient être assez fascinants à leur sortie. Car oui, de nos jours on sait tous qu’on peut téléporter des gens grâce à un ordinateur d’une puissance équivalente à un Amiga ou un Atari ST. Si vous regardez le film en VF ça parait d’autant plus drôle car une voix robotique traduit tout ce qui apparait en anglais à l’écran, mais tant que le plan dure, elle le répète en boucle des fois que le spectateur soit sourd ou amnésique.
Le film commence à devenir plus fort quand Seth décide de passer à l’expérimentation humaine sur lui-même. Mais une mouche est présente dans la cabine de téléportation et il va bientôt en prendre certaines caractéristiques. Le tout est de savoir jusqu’où ça va aller. Goldblum a eu l’air de s’éclater dans son rôle. Car en devenant une mouche, ce n’est pas seulement son physique qui change, sa manière de penser également. Il passe par diverses phases psychologiques : Il est ravi et grisé car ses capacités physiques ont augmenté… mais certains effets indésirables le mettent en colère, l’effraient et le poussent à s’isoler… jusqu’à ce qu’il se découvre des nouvelles capacités et en jouisse. Mais, plus inquiétant, il est progressivement démuni d’un sens moral.
Certaines séquences, et c’est surprenant, sont encore étonnement dérangeantes aujourd’hui. A ce propos, ne le regardez pas en mangeant, c’est un conseil d’ami. Des échecs dans ses expériences sur des êtres vivants conduisent à quelques plans vraiment peu ragoutants. Certains de ses actes ou certaines étapes de sa métamorphose sont aussi assez dégueulasses. Du côté de la réalisation il n’y a pas d’originalité spécifique, on raconte simplement une histoire avec une efficacité qui prime sur un parti pris plus artistique.
Par contre la plupart des maquillages sont, pour l'époque, particulièrement réussis. Certains ont mal vieilli mais d’autres gardent encore un certain cachet. Et la musique du fameux Howard Shore plutôt discrète en début de film devient de plus en plus efficace au fur et à mesure que le tragique de la situation va crescendo. Alors qu’on suivait Mitchell depuis le début de manière presque subjective, Veronica devient l’héroïne en deuxième partie de film, à chaque nouvelle rencontre on se demande où en sera Mitchell… Quoi que je ne sois pas un grand fan de son jeu, c’est bon de suivre une héroïne confrontée à plusieurs menaces qui semblent franchement insurmontables, car il ne semble pas y avoir de retour en arrière possible.
Mon problème avec ce film viendra de la fin. Certains passages plutôt qu’être effrayants apparaissent aujourd’hui relativement ridicules, bien que le côté écœurant empêche de basculer dans le pathétique. La fin est un peu flemmarde, prévisible et brusque en plus de trop clairement baliser le terrain pour l’inévitable suite.
Globalement le film reste quand même vraiment bon grâce à son intrigue implacable, des acteurs qui font bien leur job, une bande originale à la hauteur et des effets spéciaux de qualité pour 1986. C’est un classique à voir. D’un point de vue très personnel, je suis de toute façon assez friand des films qui traitent assez longuement de la transformation de l’homme en animal. C’est aussi ce qui me fait aimer Wolf, au-delà du fait que Nicholson ait vraiment la tranche de l'emploi.