La Mouche noire
6.8
La Mouche noire

Film de Kurt Neumann (1958)

Il faut faire 3 choses avant de visionner La Mouche noire :
- Oubliez son étiquette de film d'horreur/ SF qu'on lui accole par facilité ou fainéantise comme toutes les étiquettes,
- Oubliez La Mouche de Cronnenberg et vous convaincre intérieurement que vous ne savez même pas qui est cet obscur réalisateur et ce parfait inconnu de Jeff Goldblum,
- Oubliez que ce film est l'adaptation d'un roman dont vous n'avez de toute façon même pas tourné la 1ère page...


Voilà, vous y êtes ?


Vous pouvez maintenant visionner ce film.


Une fois débarrassé des attentes mortifères liées au genre "horreur" et de l'oeil policier qui cherche implacablement à comparer l'original, son remake et le roman d'origine, il reste un film, ni culte, ni brouillon d'un autre long métrage plus ou moins mieux aboutit... il reste un film qui peut vous emporter ou vous laisser de marbre.


Mais au moins, il ne le devra qu'à lui-même.


Il reste l'histoire d'une épouse, Helène Delambre, lisse et propre sur elle qui affirme, sans ciller, avoir volontairement actionné le bouton d'une presse à 2 reprises pour écraser son mari bien-aimé dans le but de le tuer.


Il reste une actrice, Patricia Owens, qui va devenir le vrai personnage central du film et qui offre une interprétation qui ne manque pas de nuances et d'émotions.


Le suspens, façon enquête policière, peut se mettre en place : Qui est cette épouse parfaite, cette bourgeoise employant domestique de maison et qui oublie qu'elle a un fils pour aller au crépuscule dans l'atelier de l'usine familiale perpétrer son crime et se dire heureuse d'avoir assassiner "la chose" ?


Vincent Price est convoqué par téléphone (noble amoureux transi qui à tu son amour au profit de son frère cadet) arrive pour jouer le rôle de l'ami-confident. Et il le fait bien, même si le scénario le confinant souvent au role de plante verte, ne lui donne pas souvent l'occasion de briller. Il est suivi de près par l'inspecteur Charas, rôle endossé par le très britannique Herbert Marshall. Sobre dans son jeu et droit comme la justice, l'inspecteur va avec patience attendre qu'Hélène (la meurtrière) explique son geste...


Puis arrive l'inévitable fash-back mettant en scène les événements pré-presse.


David Hedison ouvre les portes de son labo. Encore peu expérimenté dans son jeu (il n'a tenu que 3 second-rôles avant La mouche noire dont 2 pour la télévision) il endosse aves un brin de raideur la blouse de l'époux scientifique. Pas encore très à l'aise devant la caméra, moyennement servi par le scénario qui ne lui fait pas la part belle dans les scènes et les dialogues, son personnage est l'un des points faibles de l'ensemble. Les "effets spéciaux" (masques, postiches etc) moyennement réussis n'aideront pas non plus l'acteur à rendre son personnage mutant aussi crédible qu'il pourrait l'être.


Côté scénario, James Clavell fait un travail tout à fait remarquable dans son ensemble. Il parvient à ne jamais sombrer dans le ridicule (malgré le pitch de départ et le peu de moyens mis en place pour les effets spéciaux) et porte judicieusement toute l'attention de son écriture autour du personnage de l'épouse et de cette tension croissante qui l'accule jusqu'à son geste finale.


La mise en scène de Kurt Neumann est dans son ensemble de bonne facture sauf pour les scènes "conjugales" entre le jeune couple Delambre qu'il filme presque systématiquement de profil en plan taille ou en plan américain. Ce qui à le don de rendre niaises et d'affadir ces scènes sensés attacher le spectateur à ce jeune couple vivant et heureux avant que le drame ne bouscule cet avenir prometteur.


Il reste au final un film avec des défauts : des effets spéciaux mal pensés et souvent approximatifs (au regard des techniques de l'époque - L'homme au masque de cire de 1953 par exemple), un David Hedison peu crédible dans son rôle de scientifique mais surtout de "mutant", l'absence d'une signature musicale lisible, un chef lumière qui aurait pu mieux travailler ses clairs/obscurs des scènes finales dans l'atelier, etc.


Mais tout cela est compensé en partie par une écriture scénaristique, qui prend son temps, travaille l'attachement, économise le sensationnalisme au profit d'une atmosphère claustrale qui évolue graduellement et une réalisation, qui, même si elle n'est pas très inventive, tente de se hisser à la hauteur du scénario pour créer un ensemble qui, 60 ans après, ne démérite pas du tout... ou presque.

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le 2 mars 2018

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