Ce film est assez, je trouve, sous-estimé. Cela est probablement du à l'immense filmographie du réalisateur dans laquelle, forcément La Neuvième Porte, ressort comme un film mineur. Mais, c'est mal voir les qualités évidentes de ce long métrage.
La première c'est le traitement du fantastique. Polanski nous livre un film où le quotidien se transforme en une réalité effrayante, au détour d'un livre, d'un coin de rue. L'absurde et l'étrange surgissent de manière incongrue et improbable et le film, lentement, bascule dans une sorte de monde parallèle et ésotérique. Dean Corso, l'antihéros interprété par Johnny Depp que je trouve au sommet de son art, est une sorte de détective du livre rare, filouteur, arnaqueur, sans moral. Il fuit devant le danger, continue la mission qu'on lui a assigné contre un gros chèque ; un personnage guidé par la cupidité, les cigarettes et l'alcool.
Polanski va encore plus loin, en mêlant le fantastique à l'ésotérisme. En cela, le film se range du côté des excellents Eyes Wide Shut et Le Nom de la Rose. Autre point commun avec ce dernier, la thématique du livre, du livre qui peut tuer et la forme d'enquête policière que prends le film. Nous allons ainsi voyager de New York à la France en passant par l'Espagne et le Portugal. Dean Corso est en effet missionné par un riche collectionneur pour comparer sa récente acquisition d'un livre sur le diable et qui dit-on a été en partie écrit par ce dernier avec les deux seuls autres exemplaires au monde, une mission d'apparence classique, sauf que lorsqu'on parle du diable, on risque toujours sa vie.
Le film se construit autour d'une symbolique complexe, faite d'allusions littérales au livre dans le film, de métaphores ésotériques, de présences mystérieuses comme la belle Emmanuelle Seigner, de collectionneurs fous et machiavéliques, de jumeaux farceurs et terrifiants à Lisbonne. Le film traduit également les gravures du livre dans l'intrigue du long métrage, donnant un sens caché à la mise en scène. Le film s'emballe, peu à peu, d'abord par touches légères, comme par exemple un mot de passe qui est 666 jusqu'à aboutir à une cérémonie occulte et satanique. C'est là que Roman Polanski excelle parce qu'il fait tout cela progressivement et sans alourdir le film, ce qui maintient un véritable suspens et une atmosphère ambiguë, aidé par un casting surprenant et une musique démoniaque et entêtante signée Wojciech Kilar.
La thématique du film est finalement une thématique très chère à Polanski, un univers fantastique très proche du réel, légèrement difforme, la présence de forces obscures, de démons, de diables, une horreur sourde et lancinante. Le film est d'une efficacité redoutable, porté par la virtuosité technique du réalisateur qui parvient à hisser au sommet le genre de l'esotérisme fantastique.