Le film est découpé en mouvements, en promenades pourrait-on dire; en désirs de visites, en visites dans le temps et l'espace. Ces mouvements sont (un peu artificiellement) nommé selon les danses de la nouba (sauf erreur de ma part), telles les suites de danse de la musique savante européenne. C'est ici aussi un savant glissement de l'extérieur à l'intérieur. Des plans qu'on dirait venus de chez Murnau ou Renoir qui par une fenêtre, une porte ouverte font circuler l'un et l'autre, comme le courant d'air qui réveille la mémoire. Et très vite, c'est la mémoire de cette femme, entourée d'enfants et de vieilles, de présents en devenir et de passés, qui prend en charge le film et qui l'imbibe d'une matière quasi onirique. La musique ne fait plus qu'un avec ce discours, cette voix off, comme une mélopée sentimentale, parfois dure, parfois fière, parfois perdue mais toujours ouverte au monde. Ouverte et émue par tous ses visages qui passent le long du chemin, tous ses visages sauvés de l'esclavage colonial ou de la simple humiliation, qui ont retrouvé leur terre. Il y a bien sûr les morts aussi, ceux racontés, et la sœur à qui est peut-être offert le film, pour le moins, on dirait que les montages lui sont un tumulus comme ce Juba à sa fiancée offrit ce momument visité aussi par le film.
Des visages de femme comme des luminaires, d'enfants comme des lumignons dans un pays qui respire à nouveau. Une sorte d'accord parfait entre les espoirs, les morts et les vivants, le poésie, la politique et l'histoire.
Essentiel.