J’ai lu quelque part cette accroche : « Qui n’a jamais voulu changer de vie ? », sans doute signée de quelqu’un qui n’avait pas vu le film. Mais bien sûr, on a tous envie qu’il nous arrive un drame personnel terrible qui nous réduise à néant et nous OBLIGE à changer de vie, puisque plus rien ne pourra jamais être comme avant. De même je trouve que l’affiche française, sa photo comme son slogan, prête à confusion : tous les ingrédients de la comédie semblent être réunis. Raté, pour le moins.


Paul Sneijder est cadre sup à Montréal ; dans le plus absurde et improbable accident qui soit (une chance sur des milliards que ça arrive, un grain de sable dans le désert, dit l’un des personnages), il a vu mourir sa fille et en est ressorti indemne – façon de parler, évidemment.


A sa sortie de l’hôpital, on le presse de reprendre très vite son travail, de sortir et voir des gens, de réagir, d’intenter des procès, de trouver des responsables, de voir des psys, de se shooter aux médocs. Tout pourvu qu’il reprenne une vie normale. Sa femme, qui mène sa vie et gère sa famille comme une véritable société, ne comprend pas son apathie.
Mais lui est brisé de l’intérieur, victime de terribles crises d’angoisse et obsédé par ce qui est arrivé. Il a encore besoin de sa canne alors qu’on lui suggère fortement de l’abandonner, bref chacun croit savoir mieux que lui ce qu’il faut faire. Il lui faudrait du temps, du temps à lui, du temps pour sa fille, du temps pour se réparer, mais dans notre société ce temps-là, le temps du deuil ne nous est même plus accordé.


On lui dit de marcher alors il va marcher, on lui dit de travailler alors il va travailler, et pourquoi pas réunir les deux en promenant des chiens ? Dans le froid glaçant du Québec, il trimballe sa dépression et croise des personnages aussi timbrés que ce collectionneur de nombres premiers, des humains en somme. Je n’ai pas lu le livre de Jean-Paul Dubois (Le Cas Sneijder) dont c’est l’adaptation, mais certains dialogues sont si brillants que je vais sûrement aller voir ça de plus près.


C’est un film sur le deuil qui prend une forme atypique, qui prend son temps et qui noue l’estomac grâce à l’interprétation sans faille de Thierry Lhermitte, père brisé et paralysé. La musique (dont certains morceaux de Timber Timbre) et les décors neigeux de Montréal complètent une impression d’étrangeté qui va laisser une marque durable sur l’esprit.


https://cestquoicebazar.wordpress.com/2016/06/13/la-nouvelle-vie-de-paul-sneijder-tragi-comique/

sophiebazar
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le 13 juin 2016

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