Criblée de dettes et obligée de subvenir aux besoins de ses deux enfants après que son mari ne se soit suicidé, Virginie décide de se lancer dans l’élevage de sauterelles comestibles. Seulement, malgré tous ses efforts, cet élevage ne parviendra pas à faire rentrer suffisamment d’argent pour permettre à la famille de vivre sereinement. C’est alors que Virginie s’aperçoit que ces sauterelles réagissent de façon particulière lorsqu’elles ingèrent du sang humain : elles deviennent plus actives, plus vives, et donc plus rentables. De fil en aiguille, Virginie entretiendra un lien étrange avec ses sauterelles, jusqu’à inquiéter ses enfants, ceux-là même pour lesquels elle avait lancé cette exploitation.
Sur un scénario de Jérôme Genevray et Franck Victor, Just Philippot accouche, pour son premier long-métrage, d’une parfaite petite série B qui parvient à se prendre tout à fait au sérieux. En effet, les deux premiers tiers du film se montrent assez avares en effets horrifiques, histoire de laisser au spectateur le temps de redouter les événements à venir et de s’attacher aux personnages. Et il faut bien avouer que La Nuée parvient à créer une certaine dynamique, au sein de la famille que l’on suit, assez agréable : les dialogues sonnent justes, la réalisation arrive à capter certains moments d’intimité et les acteurs et actrices qui forment cette famille sont tous excellents. Le tout est souligné par le regard assez tendre que porte Just Philippot vis-à-vis de la consommation de sauterelles au sein de la famille, une pratique que le jeune réalisateur tend à normaliser.
Mais une fois que le film laisse entrevoir son aspect horrifique, terminées les scènes emphatiques de la petite famille parfaite ; place à la chair dévorée. Les sauterelles, présentées comme inoffensives au début du film, deviennent alors de viles prédatrices. A ce titre, le réalisateur n’hésitera pas à accumuler les effets afin que la menace et son omniprésence deviennent particulièrement insupportables pour le spectateur, qu’il s’agisse des gros plans effectués sur ces bestioles en train de dévorer de la chair, ou des plans larges qui viennent illustrer le fait que celles-ci soient tellement nombreuses qu’il semble presque impossible d’échapper à leur essaim. Dans ses influences, Philippot (et non, ce n’est pas Florian) citait un mélange entre Petit Paysan (2017) et Alien (1979), le tout saupoudré par une touche du film Les Oiseaux (1963) ; personnellement, j’y vois une certaine imagerie proche de celle développée par Cronenberg, dans son rapport à la chair et aux mutations que celle-ci peut connaître.
Si le dernier tiers du long-métrage devient un peu plus pataud en terme d’écriture (on a du mal à justifier les agissements de la mère), cela ne l’empêche pas de véhiculer certains coups de flippe assez mémorables. Dès le départ, le film fait le choix de croire avec ferveur à l’histoire qu’il nous raconte, alors qu’il aurait pu tomber dans la case de la stupide série B qui toucherait à son sujet avec un bâton, tout comme il choisit d’installer un rythme assez lent dans son intrigue. Ainsi, la nuée en question apparaîtra véritablement au bout d’une heure de film, sans que cela soit particulièrement gênant pour le spectateur, qui aura assister à toutes les mauvaises décisions prises par la mère, des décisions qui aboutiront fatalement à la création de la menace. Le film s’avère donc assez surprenant dans sa structure narrative bien que l’on puisse s’agacer du fait que, comme dans Jurassic Park, la chèvre soit la première à se faire bouffer.
Muni de très bons maquillages, d’un certain talent pour la réalisation et d’un excellent travail effectué sur le sound design, La Nuée s’avère être un divertissement simple, mais efficace. Sympathique en terme de premier long-métrage, Philippot nous gratifie de plusieurs moments véritablement cauchemardesques, tout en conservant une certaine retenue mêlée à une simplicité remarquable. Cela me rend évidemment très curieux quant à la suite de la carrière de ce jeune réalisateur français.
PS : j’en profite pour notifier le fait que, cette année, le festival du film fantastique Gérardmer se déroule en ligne. C’est grâce à cette initiative que j’ai pu regarder ce film. Il suffit de se rendre sur le site du festival et vous aurez accès à la location des différents films qui auraient dû être diffusés lors du festival. N’hésitez pas à aller y faire un tour, histoire de soutenir de nouveaux réalisateurs ainsi que le festival en lui-même !