Après quelques court-métrages réalisés durant les années 2010, Dominique Rocher passe au format long avec l’adaptation du roman éponyme de Martin Page.


Passée une introduction festive dans un appartement bondé, nous nous réveillons aux côtés de Sam dans un silence de morts. Prenant à contre-pied la trame classique du rescapé d’une apocalypse zombiesque, le jeune homme refuse d’explorer le monde extérieur. Il opte pour le confinement dans une attitude pragmatique et clairvoyante. En lieu et place d’une exploration de l’extérieur, l’unique résident de l’immeuble transforme son logis en bastion sécurisé.

L’évaluation de la gravité de la situation s’effectue à travers la fenêtre, bien à l’abri de toutes morsures. Cette opération se fait dans une quiétude pesante où le moindre bruit devient menaçant.


L’auteur opte ainsi pour une progression tout en lenteur. Elle contrebalance avec la frénésie de la scène d’introduction. Nous prenons le temps de suivre l’évolution psychologique de l’unique survivant. Nous comprenons le poids de la solitude sur son quotidien. Découpé implicitement en chapitres, l’œuvre retranscrit les moyens possibles pour surmonter l’isolement.

Le silence enveloppe notre protagoniste. Les voix se remplacent progressivement par le bruit d’un ersatz de vie que tente de recréer l’unique résident. Ces tentatives illusoires sont de courtes durées. Le verbe revient donc pour affronter cette réalité en putréfaction quitte à attirer l’attention du Monde en dehors.

Plus qu’un film sur l’épidémie de zombies, La nuit a dévoré le monde est une réflexion intimiste sur la solitude et les différentes façons de l’affronter. La nécessité de sociabiliser se heurte à l’absence d’interlocuteur viable. Notre protagoniste va donc redoubler d’imagination afin de trouver des alternatives pour satisfaire ce besoin.


Au fil du récit, nous observons les fêlures de la santé mentale de l’homme. Les morts sont certes dangereux mais les tourments internes sont tout autant périlleux lorsqu’ils troublent notre vigilance.

Bien que se concentrant sur l’aspect psychologique de son personnage, le metteur en scène n’oublie pas son environnement. Le film est ponctué de rappel de la menace encerclant le bâtiment. Ces pics de tension contrastent avec le quotidien silencieux du résident. Ils sont des rappels de sa triste réalité. Le choc est d’autant plus impactant lorsque ces moments surviennent.


En somme, l’œuvre de Dominique Rocher est autant une réflexion sur l’isolement qu’un film de zombies. L’auteur joue habilement sur les deux pans sans se perdre en cours de chemin. Depuis l’auteur poursuit doucement son exploration du fantastique avec la réalisation de la série La corde.

tzamety
7
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste Vu sur Shadowz ( côté films)

Créée

le 14 juil. 2023

Critique lue 11 fois

tzamety

Écrit par

Critique lue 11 fois

D'autres avis sur La nuit a dévoré le monde

La nuit a dévoré le monde
mymp
8

Fluctuat dead mergitur

Les films de morts-vivants en France sont à peu près aussi rares que les comédies dans le cinéma hongrois ou roumain : à quelques exceptions près (et pas franchement des plus réussies) tels que La...

Par

le 9 mars 2018

37 j'aime

3

La nuit a dévoré le monde
Moizi
5

Belle affiche, beau titre, film très moyen.

Je suis assez déçu de cette tentative de film de zombies intimiste. Bon je note que le film tient son concept de nous faire passer 1h30 avec un héros seul dans un appartement parisien, c'est déjà ça...

le 26 août 2020

21 j'aime

La nuit a dévoré le monde
Theloma
8

Survivance mode d'emploi

Alors bien sûr, si vous avez pris votre ticket de cinéma dans l'idée 1) de vous faire peur avec des zombies 2) de découper au sabre des zombies 3) de jouer à attrape-moi si tu peux avec les zombies...

le 13 mars 2018

18 j'aime

18

Du même critique

Demain tout commence
tzamety
7

Keep smiling

Film d'ouverture lors de la 17éme édition de l’ArrasFilmFestival, Demain tout commence est le deuxième long métrage d’Hugo Gélin. Avec Omar Sy en tête d'affiche et son sujet éculé ( la vie...

le 7 nov. 2016

16 j'aime

L'Affaire SK1
tzamety
8

Bind, Rape and Kill

Dans les années 90, la police parisienne a dû faire face à un tueur en série en activité dans l'Est de la capitale et dans la décennie suivante à son procès. À partir de ces événements, Fréderic...

le 3 déc. 2014

14 j'aime

Longmire
tzamety
7

Critique de Longmire par tzamety

A première vue, on aurait pu penser que la série surf sur le succès de Justified et recycle à sa manière le flic au pays des rednecks. Une appréhension assez forte même si le synopsis, certes...

le 4 janv. 2013

10 j'aime