Alors qu’on serait tenté de n’y voir qu’un exercice de style, La nuit a dévoré le monde, adapté du roman éponyme de Martin Page est un film de morts vivants métaphorique, dont le thème véritable est l'isolement dans les grandes villes, la difficulté à vivre au milieu des autres.
Sam est calfeutré et replié dans son immeuble tel un Robinson sur son île. Les morts vivants ne sont qu’un contexte, ils représentent le danger extérieur qui fait qu’il est obligé de s’enfermer pour se protéger du monde extérieur.
Plus que de lutter contre les zombies, on le voit surtout organiser sa survie, en collectant sa nourriture dans les différents appartements de l’immeuble, ainsi que tout ce qui peut lui être utile pour se défendre, se soigner, se laver, entretenir sa forme ou pour se détendre un peu. Il va même pouvoir s’adonner à sa passion pour la musique en jouant de la batterie ou en confectionnant lui-même des instruments de percussion.
En fait, Sam gère sa solitude au mieux, sans trop se soucier du sort de l’humanité. Il se demande malgré tout s’il y a d’autres survivants comme lui et il aimerait bien parler à quelqu’un d’autre que le mort vivant qu’il a enfermé dans l’ascenseur. Peut être devrait-il quitter le confort du repli sur soi et s’ouvrir au monde, en prenant le risque de tenter une sortie ?
Dans La nuit a dévoré le monde, il n’y a pas de surenchère gore, ni de course au spectaculaire. Le rythme est assez lent. On voit bien qu’il y a de faibles moyens, mais l’univers de ce Paris apocalyptique est crédible et le spectateur est toujours sous tension, sans pour autant être fatigué par un rythme frénétique, une musique stridente ou des effets spéciaux dégoûtants. Bon, les morts vivants sont tout de même très maquillés et peu ragoûtants, mais sans excès.
Les adeptes purs et durs des films de zombies seront sûrement déçus, quoiqu’il y a tout de même quelques scènes dignes du genre et que la fin est très bien filmée.
Anders Danielsen Lie, vu dans Oslo 31 août, est très bien, toujours dans le registre du flippé de service, mais qui montre toute l’étendue de sa palette, allant de l’inquiétude intériorisée à l’extériorité expansive, en passant par la mélancolie métaphysique du survivant solitaire.
Golshifteh Farahani (toujours aussi gracieuse), apporte un peu de fraîcheur, dans cette ambiance claustrophobe et Denis Lavant (toujours aussi excellent), un peu d’humanité dans ce monde de brutes. Dommage qu’on ne les voit pas plus.
Heureusement, il y a quelques pointes d’humour et de la bonne musique pour adoucir les mœurs belliqueuses et une mise en scène fluide et bien pensée pour rendre ce film de genre singulier et prometteur pour la suite de la carrière de Dominique Rocher, ce jeune réalisateur dont c’est le premier long métrage.