Cinéaste à la renommé confidentielle, auteur d'une Oeuvre contestée par les uns et adulée par les autres Jean Rollin déploie avec La nuit des horloges un poème surréaliste d'une beauté singulière, d'une puissance évocatrice rare et d'une authenticité difficilement discutable. Ce film, conscient de ses multiples maladresses techniques et dramaturgiques, assume sans prétentions sa portée onirique teintée de désuétude : d'un autre temps, d'un autre lieu, La nuit des horloges poursuit son chemin hors des sentiers battus, beaucoup plus sophistiqué qu'il n'y paraît et bien moins ridicule qu'il n'en a l'air.
Il peut être vu comme une oeuvre-somme et, à plus forte raison, comme le film-testament de Jean Rollin : songe confondant de naïveté La nuit des horloges se compose d'images d'autres films du réalisateur, formant un joli musée imaginaire au travers duquel l'héroïne Isabelle ( Ovidie, magnifique et sculpturale ) déambule, perdue entre le cimetière du Père-Lachaise et le manoir du cinéaste Michel Jean, qui n'est autre que Jean Rollin lui-même. D'une porte à la suivante on se promène dans ce conte surréaliste en se laissant porter par l'écriture automatique de son auteur, le compulsant pour mieux retrouver les traces de toute une Oeuvre tant décriée par certains...
Certes le film est imparfait, par forcément bien joué ni même techniquement maîtrisé... Mais la force poétique des plans, à la nostalgie particulièrement touchante, forme une méditation sur la Mort très émouvante. Film fantasmé, incarné, fétichiste La nuit des horloges n'est pas sans rappeler le flamboyant Scorpio Rising de Kenneth Anger, dans cette manière de travailler la matière des images de manière presque sensuelle. La charge érotique du film de Jean Rollin fait figure de petit miracle, caressant humblement le corps féminin sans le violer ni même le dégrader ; il trouve la bonne distance filmique et la durée adéquate pour un poème tout sauf conventionnel. Pudique et beau.