"La Nuit des juges", ça aurait pu être quelque chose. Le synopsis a lui seul titillait la corde sensible de ma personnalité révolutionnaire aux relents anarchistes. A mes yeux, ce n'est pas parce que la Loi dit que qu'il faut lui octroyer une dévotion totale. En tant que création humaine, elle n'a pas valeur de vérité absolue, ce qui fait que je ne respecte pas les lois quand elles sont débiles et je l'assume ouvertement. Ces deux dernières années ont solidifiées ce propos au vu des inepties gouvernementales.


J'espérais voir dans ce film un propos salvateur qui taperait là où ça fait mal en pointant l'impuissance de la justice beaucoup trop complaisante avec ceux qui outrepassent la loi. Oui je suis de la vieille école qui dit qu'une personne qui défèque sur les droits de l'Homme ne devraient pas en bénéficier sinon ça serait trop facile (cf le beurre, l'argent du beurre et le cul de la crémière tout ça tout ça). Par cela, j'entends bien en attenter à l'intégrité physique d'une personne et non pas télécharger un film dans son coin pour le visionner un vendredi soir bien sagement.


Pour l'histoire elle est assez simple. Steven Hardin, juge de l'état de Californie, se rend compte à quel point son métier a perdu en superbe depuis que la justice a été dissoute dans la sacro-sainte Loi qui s'est muée de procédure de défense des victimes à une religion naïve en dehors des réalités. On se focalise sur les lignes pendant que les innocents sont en train de pourrir six pieds sous terre. De là à promouvoir la justice populaire et le lynchage à coup de pierre, non mais à un moment donné, la rationnalité devrait reprendre le dessus. "La Nuit des juges" appuie sur ce propos avec un Steven Hardin dépassé par les failles procédurières qui remettent en liberté des coupables pour cause d'irrecevabilité des preuves. Oui, ça a de quoi frustrer et Dieu merci que je ne suis pas juge sinon j'aurais déjà été mis en taule pour avoir fait le coup façon "American History X" de la bouche sur le bord du bureau en l'occurrence à l'avocat de la défense.


Son sens de la justice sera sauvé par un tribunal clandestin constitué de huit juges qui en ont plein le derche du laxisme judiciaire. La question qui se pose est "Pourquoi avoir fait des études de droit, avoir appris toutes les subtilités et les failles visiblement en les acceptant et avoir continué pour être diplômé et ainsi aspirer à cette fonction ?" Je suis tâtillon je sais et certains pourront me le reprocher mais si une personne est atteinte de la lèpre, je ne vais pas aller la peloter tout en l'embrassant sauvagement. Quand un monde ne me plaît pas, je ne le fréquente pas. Chacun a le droit de faire des erreurs après tout mais là rien à faire, ça coince et ce n'est pas la seule chose.


Déjà aussi enragé je suis, j'aime la subtilité. Hors quand on souligne au fluo jaune, que l'on surligne au gros marqueur noir un texte écrit en Arial 48, je me sens plus proche des discours alcoolisés du bistrot du coin qu'à la démonstration intellectuelle d'une problématique qui n'en finit pas d'être houleuse. Le film est horriblement bavard, bien trop démonstratif dans son propos même s'il a entièrement raison. Le scénario, lui, s'il est prenant et rythmée, est entâché de nombreuses imperfections. Les facilités s'accumulent. Jamais il n'a aussi été facile de tomber sur des coupables. On voit un type louche dans la rue à 6h du mat, on le course et en fait c'était le tueur en série gérontophobe qui s'emparait des biens des petits vieux qu'il assassinait. Idem pour le coup de la godasse de mioche ensanglantée posée là dans l'habitacle de la voiture à la vue de tous.


Ensuite viennent les incohérences. Le mec qui se pointe avec un flingue au tribunal (il n'est pas censé y avoir des fouilles à l'entrée ?). Les dossiers polémiques classés qui semblent avoir lieu tous les jours. La justice parallèle de nos juges qui n'éveillent à aucun moment l'opinion publique. Il est vrai que chaque coupable relaxé qui a systématiquement été tué par balle ne peut être qu'une coïncidence.


Et puis en parlant de ces fameux juges dissidents, où est le développement ? Comment se fait la sélection ? Comment s'organisent-ils pour les assassinats ? Quelle est la procédure de préparation ? Quand Harbin débarque, il est déjà comme un poisson dans l'eau. Pas de présentation, pas de liens entretenus.


C'est assez tragicomique finalement de constater que "La Nuit des juges" n'hésite pas à attaquer de moult thèmes (perfectibilité judiciaire, présomption d'innocence, culpabilité, droit de vie et de mort) alors qu'il souffrira d'un manque cruel d'approfondissement sur la méthodique des juges. En résulte une oeuvre contestataire qui se suivra poliment par son dynamisme, en dépit d'un propos sous-jacent tantôt lourdingue, tantôt maladroit.

MisterLynch
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le 1 juin 2022

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