Une histoire de croque-mitaine bien plus intelligente qu'il ne semble. En effet, les attaques de l'homme au masque blanc nous plongent dans une jubilation vengeresse. Un châtiment mérité pour l'Amérique orgueilleuse qui veut donner des leçons au monde entier et s'auto-proclame le pays du Bien et le gendarme du monde.
….Gardez vous de monter sur la montagne, ou d'en toucher le bord. Quiconque touchera la montagne sera puni de mort… »
Comme j'ai pu le vérifier dans le documentaire Big John commenté par John Carpenter, le quartier où a été tourné le film, devenu aujourd'hui une attraction touristique, est une des banlieues les plus calmes de Los Angeles, par là même emblématique d'une certaine idée que l'on peut se faire de l'habitat résidentiel des « américains visibles», ceux que l'on voit dans les séries télé à deux balles censées nous faire rêver de « l'american way of life ». Une critique savamment portée à l'écran par Big John pour ne nous révéler qu'après plusieurs visionnages (ou à la première vision grâce aux fameuses lunettes de soleil 3.0 de Invasion Los Angeles) que Michael Myers est le porteur d'une véritable Punition sur un pays qui se prend pour Dieu. Quant aux victimes innocentes elles paieront pour les coupables en vertu de la Loi divine sur laquelle prêtent serment les présidents américains:
… Car il n’y a pas de distinction : tous ont péché et sont privés de la gloire de Dieu...
Ce message qui est consolidé par la révélation finale de l'immortalité du Vengeur masqué est soigneusement caché par l'intro sur son enfance et par la présence du psychiatre le Dr Loomis avec son discours pompé à Emmanuel Kant sur un prétendu mal absolu, alors que Michael Myers n'incarne pas le mal, il est l’instrument de l'Expiation. D'après moi ce discours kantien n'est là que pour faire diversion dans le but de faire franchir au film l'obstacle de la censure américaine.
C'est d'ailleurs l'une des deux grandes qualités de Big John que de faire passer des messages forts au travers de films d'apparente série B. Son autre qualité est de laisser libre cours à l'imagination du spectateur à travers les non-dits judicieusement cachés et disséminés dans l'histoire comme autant de cadavres dans un stage de survie.
La photographie de Carpenter offre plus qu'à l'ordinaire une atmosphère oppressante pour la venue inéluctable de Mr Vengeance. L'utilisation fréquente de la caméra subjective pour représenter le point de vue du Justicier-tueur omniscient et tout-puissant participe de la vieille peur ancestrale. Le spectateur, lui-même menacé par le regard sans vie, se repasse les messages d'épouvante subliminaux de ses Halloween d’enfant ; ainsi trouille orange sur fond noir a vu, effroi a ressenti, quand masque de clown a régné sur la toile. Le célèbre thème glaçant qui accompagne l'horreur, joué au piano, est dû au sinistre « Bowling Green Philharmonic Orchestra », autrement dit John Carpenter lui-même derrière un autre masque.
Côté casting Jamie Lee Curtis est « La Reine du hurlement », un don héréditaire, sa mère étant Janet Leigh, plus connue comme « la Douchée » dans le film Psychose. Ce film n'a pas lancé sa carrière, les actrices des films d'horreur étant mal considérées dans le milieu, c'est Fog son film suivant avec Carpenter qui a lancé sa carrière de femme forte. Mais pour nous et pour la postérité, Jamie Lee Curtis est Laurie Strode et Laurie Strode c'est Jamie Lee.
Il est à remarquer qu’elle s’en tire toujours. Parce qu’elle est la sœur fantasmée de Michael Myers, autrement dit sa part féminine qu’il n’arrivera jamais à neutraliser.
Donald Pleasence est un acteur qui, comme Jean-Claude Dusse, ne pouvait pas tout miser sur son physique. En interprétant le Dr Samuel Loomis il n’échappe à ses rôles habituels de méchant ou de psychotique que pour mieux incarner un psychiatre fou qui croit possible d’arrêter la Main de Dieu. Son rôle sera repris quatre fois par la suite et il a reçu un Saturn Award du meilleur acteur horrifique pour le film. Pour identifier l'entité inexpressive du tueur-vengeur, les enquêteurs ne disposent que de son bleu de travail et de son masque. Le masque de Michael Myers est, pour cause d'économie budgétaire, un masque du capitaine Kirk dans Star Trek dont les yeux ont été découpés et qui a coûté moins de deux dollars.
C'est l'anonymat de l'interprétation de Myers qui fait en partie la force de la franchise.
En conclusion on passe un très bon moment avec La Nuit des Masques. John Carpenter nous a démontré qu'un film indépendant à petit budget et avec une faible durée de tournage peut rivaliser avec les tout meilleurs slashers, le film a même inspiré les Freddy, les Jason ou Ghostface de Scream.
Alors, la Nuit des Masques est-il un bon film ? C’est maintenant à votre tour de trancher.