Si le sujet du féminisme ne vous a jamais réellement interpellé, ce film est fait pour vous: il regorge de toutes sortes de répliques bateau, néanmoins vraies, au point que vous réaliserez peut-être à l’issue que la condition des femmes, en tant qu’objets sexuels et violentés, n’est en effet pas facile… Hélas, les bons sentiments ne font pas tout. Car en parallèle, le personnage féminin central est traité de manière si désincarné qu’après avoir été tuée de manière sordide, voilà qu’on enquête sur son cas de manière vide et survolé (achevant de la tuer, jusque dans la mémoire). Preuve que le réalisateur lui-même est très limité dans sa vision de la femme (contrairement à David Lynch, La nuit du 12 étant un mauvais remake de Twin Peaks), lui qui n’arrive pas à lui donner un tant soit peu de densité, préférant s’en tenir à son propre dépassement et celui de ses personnages véritables – des hommes, des vrais. Ces derniers vont mal… L’un fait des tours de vélo en boucle la nuit, l’autre pète des câbles. Et oui, car ce n’est pas facile d’être un homme (véridique). Mais auquel cas, mieux vaut s’en tenir à ce sujet, plutôt que s’approprier la cause féministe pour finalement n’en restituer rien de profond – à ce point, s’en est affligeant.

Pour l’anecdote finale : à l’issue de la projection à Cannes, toutes les femmes et quelques jeunes hommes (d’une trentaine d’années max) étaient sidérés, dépités, affligés, de s’être tapé un film aussi balourd. Tous les hommes à la quarantaine consumés, en revanche, étaient comblés, ravis, en extase ! Comme quoi : c’est un film qui conviendra sûrement à la génération de celles et ceux qui ont besoin d’une petite remise en question sur leur rapport aux femmes ou de se décentrer d’une construction sociale qu’ils/elles n’avaient pas clairement conscientisé, et tant mieux que le film joue le rôle d’un déclencheur que plus de deux siècles d’intense combat n’avaient pas encore réussi à jouer (à chacun son histoire et son parcours), mais qui ne conviendra vraiment pas à celles et ceux se consacrant depuis longtemps à déconstruire leur rapport au monde, avec acharnement et sacrifice, qui conviendront que ce film qui tombe visiblement des nues est suffisamment naïf et survolé pour qu’il n’y ait rien de très pertinent à en tirer, ni même sur le plan de la forme, le film étant fainéant dans son image, son scénario, son montage… Et qu’il y en a marre des films qui, pour exposer le mal-être des hommes, pensent qu’il suffit de les montrer en train de se défoncer en faisant du sport (ici, du vélo). Une vision bien triste pour les hommes eux-mêmes mais rien d’étonnant, puisque depuis que les femmes ont commencé à faire entendre leur cause, ces derniers sont en pleine crise de leur propre masculinité, avec une explosion de sous-cultures particulièrement flippantes et violentes à l'égard des femmes (comme les incels, les piqûres de seringues), et la généralisation des phrases type « On ne peut plus rien dire ! » ou « On ne peut même plus draguer »… Courage les gars !

Pour les hommes qui ont eu le sentiment que le film les connectait enfin à une certaine vérité sur leur propre rapport aux femmes, le schéma d’injustice/de violence qu’ils ont intériorisé socialement depuis des siècles, et que cela s'avère douloureux de le réaliser, je vous recommande désormais d'apprivoiser et transcender votre masculinité avec le livre « La volonté de changer » de Bell Hooks, très simple à lire et bienveillant/salvateur à l’égard des hommes, qui parachèvera de vous sensibiliser à la problématique abordée dans le film. Le mérite du film étant peut-être cela : faire comprendre aux hommes qu’être bloqués dans ce monde qu’ils ont créé où il s’agit de violenter nature, femmes, LGBT, cultures et différences leur fait aussi du mal, en plus de faire du mal à celles et ceux victimes de leur négligence, de leur mépris. Et ne donne jamais d’accès à l’amour, lequel, s’il est véritable, ne peut se passer de justice. Être humain, c’est apprendre à ne pas mépriser ni tuer.

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le 26 juil. 2022

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