Titre provocateur, je conçois, d'autant plus que j'ai vraiment adoré le dit film.
Mais comment ne pas être subjugué par celui de Laughton ? Si vous me demandiez la perfection technique, je ne citerais pas Gravity, je ne citerais pas Jurassic Park ou 2001. Non, je citerais La Nuit du Chasseur.
Pourquoi ce choix ? Parce que Laughton a réussi la performance extraordinaire de combiner tous les éléments techniques et graphiques dont il disposait à l'époque pour nous sortir un film, d'une beauté équivalente, si ce n'est supérieure, à celle de ces films à gros budgets et à renforts numériques.
Attention je ne dénigre absolument pas ce genre de film. Je profite juste du tapage médiatique autour de Gravity pour essayer de remettre les pendules à l'heure, à propos d'un art qui malheureusement se perd de plus en plus. Pourquoi s'emmerder à filmer une voiture sous l'eau alors qu'on peut la recréer de toute pièce ? Pourquoi s'emmerder à composer des plans, en jouant avec des éléments physiques et réels, quand on peut tout fabriquer sur ordinateur ?
Je conçois que c'est caricatural. Mais comprenez moi, La Nuit du Chasseur est un film unique en son genre, le genre de film que l'on est pas près de revoir.
Laughton, à la base, est un acteur, il n'a aucune notion sur le métier de réalisateur, mais lorsqu'il se lance dans le tournage de ce film, il fourmille d'idées.
Il voit des plans, d'une beauté extrême.
Il voit Robert Mitchum et se dit qu'il tient probablement l'un des méchants les plus violents et charismatiques de l'histoire du cinéma.
Il voit ces deux enfants et se rend compte à quel point c'est facile de travailler avec eux. Ils comprennent vite, ils ont ce petit truc en plus.
Mais surtout il a Stanley Cortez. Cortez qui l'a fait tourner dans L'homme de la Tour Eiffel, Cortez qui était photographe avant de se lancer dans le cinéma. Et il va sublimer sa mise en scène.
Car oui, et je n'ai pas peur de le dire, La Nuit du Chasseur possède les plu beaux plans au monde. J'avoue que cette dernière remarque n'est pas très objective mais qu'importe ! Il y a malgré tout une part de subjectivité dedans que chacun d'entre vous pourra déceler. Comment ne pas avoir de frissons en voyant ça :
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ou ça :
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(le voilà le plus beau plan du monde !)
Chaque plan, chaque composition de Laughton est une merveille absolue, un tableau prenant vie sous nos yeux. Comme suspendus dans le temps, il se succèdent et habillent le film et tous les personnages de cette ambiance si particulière. Il n'y a pas d’échappatoire, tout est calibré avec une insolente maîtrise et cette utilisation du noir et blanc, qui sublime l'image, nous émerveille encore plus.
Et voilà donc le paradoxe, le vrai problème que l'on ressent en voyant La Nuit du Chasseur. On ne peut s'empêcher de s'émerveiller pour un film dans lequel un pasteur assassin traque des enfants dans le seul but de retrouver de l'argent. Laughton réussit ce pari, il nous met dans une situation inconfortable, et on adore ça. Ce n'est pas maso, ce n'est pas une volonté de notre part. Mais on y peut rien, on adhère et on est subjugué par tant de beauté, contraste puissant avec le propos du film.
Je perd mes mots tant il y a à dire sur la perfection technique qu'est ce film. Alors oui Gravity est impressionnant, oui son réalisateur a réussi quelque chose de grand. Mais ce n'est absolument rien par rapport à ce qu'a accompli Laughton sur ce film, aussi minuscule que Bullock perdu dans le cosmos infini.
La Nuit du Chasseur est un chef d'oeuvre, sorte de relique cinématographique dont j'espère, et j'ose croire (je suis un éternel optimiste :D ), avoir la chance de voir, un jour, un petit frère dans une salle obscure.