Dans la chaleur de la nuit, le Mal est toujours puni ?

Avant d'émettre mon avis je tiens à préciser deux choses :


Premièrement je ne suis pas un grand connaisseur de cinéma, ni un grand faiseur de critique.
Il se peut que ce qui suit soit maladroit par manque de notions et je ne vais clairement pas vous transmettre de nouvelles connaissances poussées sur le réalisateur ou ses acteurs. Parce qu'au mieux je l'aurais lu 5 minutes avant et je pense de toute façon que d'autres le feront mieux que moi.


Deuxièmement, les films ne sont pas mon médium de prédilection, ainsi la note pourra vous sembler inadéquate par rapport à l'avis qui suit. Sachez cependant que mon film préféré n'a "que" 8/10.
Ce 7/10, qui peut encore monter d'ailleurs, ne signifie pas "sympa sans plus" mais "wow, c'était quand même sacrément cool".
Et puis les notes après tout.. on s'en fout non ?


Oh et pour finir, cette critique est avant tout pour moi même. Pour me rappeler de pourquoi ce film m'a marqué. Maintenant, cessons les justifications et levons le voile sur cet avis !


La Nuit du chasseur s'ouvre d'emblée sur une scène déroutante qui met en avant son antagoniste brillant de noirceur à ce moment là encore trop brumeux pour qu'on puisse tenter de le cerner.
Suffisant cependant pour qu'on soit intrigué par son ambiguë présence.
S'en suit suite à quelques passages de mise en contexte son arrivée dans la demeure des Harper et c'est là que les choses commencent.


Je ne compte pas détailler tout le pitch mais plutôt explorer ce qui m'a marqué dans cette œuvre.
Premièrement la maladresse sûrement volontaire de certains moments du film, dans le jeu d'acteur accentuant volontairement certaines réactions au delà parfois, du crédible.
Laughton empruntant apparemment au cinéma muet, il faut avouer que pour le non initié (c'est à dire moi) cela déroute tant cela détonne de l'ambiance noire et saisissante du film. On pensera au passage dans la cave par exemple.
Sûrement justifié par la proposition du réalisateur c'est peut être l'aspect du film qui me sied le moins.


L'autre point qui m'a gêné serait la naïveté de certains personnages féminins.
Pas forcément la veuve endoctrinée mais plus Pearl la petite qui se fait avoir par chaque manipulation du pasteur même


vers la fin quand il arrive à la maison des Cooper alors qu'à ce moment là il a déjà essayé de poignarder son frère. Ne sous-estimez pas les petits, naïfs oui, mais pas bêtes ! Je laisse le bénéfice du doute à la jeune adolescente des Cooper, même si ses reproches semblent ridicules au vue de la situation.


Maintenant que les petites aspérités, qui feront peut-être son charme pour certains me diriez vous (?), je vais entrer dans ce qui m'a plus.


Tout d'abord ce qui semble le plus évident, à savoir son antagoniste. Harry Powell est glaçant. La mise en scène amplifie largement son aura déjà inquiétante, le croque-mitaine dans l'ombre, observe. La scène ou son ombre plane dans la chambre des enfants semble classique, au moins de nos jours, mais est terriblement efficace.
La nervosité du pasteur devant la luxure, son fanatisme aussi éphémère que brutal, son chant du chasseur, quand on voit Harry.. à l'inverse de ceux des habitants du village, tous nos voyants clignotes. Il y a danger. Après tout comme le dit John, il ne dort jamais et vous hante la nuit.


Le film joue là dessus d'ailleurs, je me suis surpris à avoir peur pour les enfants quand leur bateau fini par échouer pendant qu'il dorme sur le bord de la rivière, les laissant vulnérable au mal qui rode. Alors qu'au final c'est simplement une vieille dame qui les trouvera le lendemain matin.
Son omniprésence même durant son absence prouve que le film réussit à en faire un prédateur convainquant.
Harry est le principal vecteur du questionnement sur la moralité que va nous soumettre le film.
On mentionnera notamment l'éléphant in the pièce, sa signature personnelle :
Les fameux "love" et "hate" que l'on retrouver sur ses phalanges qui parleront même aux gens n'ayant pas vu le film puisqu'il aura inspiré nombres de ses contemporains.


Les autres personnages sont évidemment beaucoup moins marquant et pour certains assez horripilant, mais John est tout de même de part sa position, sympathique. Madame Cooper est probablement le second personnage marquant.
Apparemment très appréciée quelques décennies auparavant, elle joue ici une femme forte et convaincu qui ne se laissera pas manipuler.
Sa présence est même rassurante et l'on se retrouve à être heureux de la voir prendre position contre ce sordide assaillant.


Et quel passage quand elle se joint au chant du chasseur pour s'en désaccorder en prêchant ses propres convictions !


Autre aspect que j'ai apprécié dans ce film c'est la prise de position du point de vue des enfants. Amplificateur de détresse évidemment, l'émerveillement nous devient ainsi plus simple d'accès. Surtout dans sa seconde partie dont l'onirisme ingénieux a su me cueillir là ou je ne l'attendais pas.


Si je m'attendais à une véritable course poursuite avant de commencer le film il en est rien, ou presque. Effectivement le pasteur traque le moyen (John) d'accéder à son ambition mais on est loin de la poursuite dans la foret que j'imaginais pour je ne sais quelle raison.
A la place j'ai eu l'impression de vivre un voyage nocturne dépassant le cadre de sa propre histoire.


Je pense que c'est d'une autre qualité évidente dont ce sentiment découle.
Effectivement je ne connais pas les terme techniques de cinéphile mais.. BORDEL la photographie, l'imagerie, olalalala.
Je pense que la dernière œuvre m'ayant fait ressentir quelque chose d'aussi prenant rien qu'avec ses visuels doit être Mushishi anime japonais onirique et contemplatif à l'ambiance époustouflante sans être inutilement sophistiquée.


La scène de la barque m'a en tout cas subjugué et est aisément la scène iconique du film pour ma part. Je ne vais pas chercher 50 superlatifs, sans réellement pouvoir expliquer pourquoi, j'ai trouvé ça splendide.
Mais de beaux plans il y en a plein, notamment grâce à une utilisation de main de maître du noir et blanc qui a marqué ma rétine dans les scènes nocturnes lorsque l'on voit la maison des Harper de l'extérieur dans la brume par exemple. J'en viens presque à regretter l'utilisation de la couleur de nos jours.


Il me reste à évoquer les thèmes, mais je ne prétend pas être spécialiste en religion ou sur la situation américaine de l'époque qui est dépeinte dans le film. J'en ai donc saisi ce qui était un minimum explicite et il ne me semble guère intéressant d'y faire davantage référence.


Cela dit, j'ai trouvé la fin peut être un peu "facile" après un film pareil montrant le jeune enfant à perdre son innocence devant la cupidité et la violence de l'adulte pour ensuite l'amener dans les bras de leur bienfaitrice immaculée. Bien qu'elle soit intéressée par la compensation du vide laissé par son fils, au final elle lui apporte finalement ce dont il manquait :
Pouvoir se lester du poids d'un fardeau qu'on ne devrait pas laisser aux enfants.


Ouf ! Après tout ça j'en viens à trouver l'enjeu des 10 000 dollars, presque dérisoire.. et John semble aussi.

Haar
7
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Créée

le 16 mars 2022

Critique lue 55 fois

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Haar

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