Fil maudit pour son réalisateur, le film a été injustement flingué à sa sortie, mais quand je vois une lignée de 10 dans les critiques les plus appréciées, je trouve sa valeur d'aujourd'hui tout de même un peu surestimée.
The Night of the Hunter, soyons clairs, est un bon film. Il dispose d'un excellent casting et d'une esthétique magnifique. Je ne vais d'ailleurs pas me lancer sur ses qualités maintes fois explicitées au travers de l'armée de critiques à 10+<3 certaines le font déjà très bien. Passons à ce qui, selon moi, ne va pas :
Je pense que le film possède une tare qui se sera adoucie au fil des années, mais qui lui a quand même porté un coup violent à sa sortie : sa lecture morale
la lecture morale est assez clair : la défense des plus démunis, le manichéisme (même la religion n'est ni toute blanche ni toute noire), l'éducation... Difficile de se perdre vu que le film martèle son propos du début à la fin, des fois plus finement, des fois plus lourdement. Charles Laughton veut s'exprimer, et il le fait.
Je n'ai rien contre son propos, d'autant plus que je trouve que le fait de nuancer le discours sur la religion est très pertinent. Le problème c'est que le film ne desserve pas les idées, mais les idées desservent le film.
Pour illustrer cette idée, je prendrai un exemple qui se rapproche plutôt bien avec M le maudit, la scène du jugement. Ce jugement s'inscrit sans difficultés dans la continuité du film ; le méchant agit, le méchant paie. Fritz utilise ainsi ce moment pour défendre son propos.
Ici, c'est l'inverse. On veut défendre son propos, donc on fait en sorte que les éléments se déclenchent. Difficile dès lors de voir le pasteur rejoindre si vite la famille. Difficile aussi de constater que ni l'oncle ni les enfants contactent la police.
Cet effet rend peu service au film notamment sur son rythme. Toute la première partie nous tient en haleine. Mais dès la fuite en barque, le scénario se fait dépasser par son propos. On nous illustre l'aspect proie / prédateurs au moyen de nombreux animaux, rendant cette ballade sincèrement ennuyeuse lorsqu'on attend le développement de l'histoire. C'est d'autant plus dommage que toute la première partie du film combine scénario et propos de manière élégante.
Dès lors, je peux tout à fait comprendre l'aspect de gratuité perverse que l'on pouvait ressentir à l'époque à l'égard du film. On peine à comprendre clairement certains actes si l'on passe à côté du propos de son auteur. ça n'empêche pourtant pas que les critiques auraient pu être plus douces, surtout lorsqu'on voit qu'une des reproches principales était son choix de garder le noir/blanc.
Je pense donc que les critiques de l'époque ont eu un regard trop dur sur le film, et que les critiques d'aujourd'hui ont un regard trop élitiste sur le film.