La Nuit du chasseur fait partie de ces films considérés comme étant des classiques, cités parmi les références du septième art, mais qui ont, à travers le temps, échoué à conserver une postérité forte, contrairement aux films de Hitchcock, 12 Hommes en Colère ou encore Chantons sous la pluie. Pourtant, La Nuit du chasseur bénéficie d’une aura toute particulière.
L’histoire nous renvoie aux sombres heures de la Dépression. Un père de famille a du voler de l’argent pour survivre, mais il est poursuivi par la police. Avant de se faire arrêter, il cache l’argent, transmet le secret à ses enfants et leur dit de ne jamais le dévoiler, en aucun cas. Condamné à la pendaison, le père rencontre en prison le « révérend » Harry Powell (Robert Mitchum), lequel montre rapidement de l’intérêt pour ce trésor caché. Celui-ci ne va pas alors tarder à montrer son véritable visage et à user de tous les moyens possibles pour mettre la main sur le magot.
C’est Charles Laughton qui est ici à la réalisation. D’habitude de l’autre côté de la caméra, comme lors de sa très sympathique prestation dans L’Extravagant Mr Ruggles (1935), Laughton réalise ici son unique film en tant que réalisateur. Un seul film, mais quel film.
Au fil de l’histoire, le film se transforme en une fable au style et au rythme très singuliers. La Nuit du chasseur est difficilement descriptible, car il s’apparente difficilement à d’autres films. Il peut tout aussi bien être associé au genre du thriller, tout en ayant un scénario et une structure proches d’un film d’animation, voire de conte de fées. Visuellement, c’est une vraie réussite.
L’esthétique est particulièrement soignée, qu’il s’agisse de la scène au fond du lac, ou de la mémorable et relativement étrange descente de la rivière en barque par les deux enfants, ne s’attardant pas que sur les deux protagonistes mais aussi toute la faune environnante, nous donnant la sensation de regarder un dessin animé.
Concernant l’histoire et le message du film, l’intérêt est ici de montrer le désespoir des hommes face à l’adversité, au point de commettre les pires exactions. Harry Powell est un paradoxe vivant, un escroc agissant sous le couvert de la foi envers Dieu, tout en gardant une main sur son couteau. Rachel Cooper est une dame autoritaire, mais respectable et affectueuse, apportant un rayon de lumière dans ce sombre tableau, rassurant à la fois les enfants pourchassés et le spectateur paniqué.
Ce contraste assez manichéen s’intègre dans la lutte entre le bien et le mal, qui se situe au cœur du film, qu’il s’agisse de cette opposition ô combien symbolique, ou des mots « LOVE » et « HATE » tatoués sur les phalanges du révérend, dont il se sert pour sermonner ses concitoyens. Nul doute, également, que Charles Laughton a parfaitement choisi ses interprètes pour ces rôles très symboliques, avec Robert Mitchum, parfait méchant cynique et dangereux, et la grande Lillian Gish, loin de ses grandes années mais toujours pleine de beauté et de sincérité.
En définitive, La Nuit du chasseur est un film particulier, par son esthétique, son rythme et son intrigue. Film aux allures de conte de fées tant par son récit, sa structure, ou surtout son esthétique, il évoque des sujets d’actualité avec efficacité grâce à son apparence de fable. Le rendu est très beau, donnant lieu à des plans captivants, presque féériques. C’est assez difficile à décrire, mais ça marche, incontestablement.