Un long poème fantastique
Pour moi, ce film n'est nullement un thriller, ou un drame, mais un conte fantastique raconté à hauteur d'enfants. Manichéen, il joue totalement sur les contrastes : le noir profond et le blanc éclatant (magnifique photo de Stanley Cortez qui fut aussi le chef opérateur d'Orson Welles sur "La Splendeur des Amberson") ; le Bien et le Mal ; l'Amour et la Haine comme ces deux mots tatoués sur les phalanges du pasteur ; les adultes et les enfants ; l'homme dans la force de l'âge et la vieille dame ; la ville corruptrice et la nature protectrice...
Tout cela pourrait être pontifiant si Mitchum n'amenait, par son interprétation, une élégance brusquement interrompue par une force brute : voyez-le dans la cave quand les enfants lui échappent ou dans la rivière quand il rate, in extrémis, la barque qui part au fil de l'eau : son hurlement de bête me fait frémir rien qu'à l'évoquer ! Et il y a aussi Lilian Gish si belle, si fragile et si forte dans ce film. Sans parler du jeune garçon qui fait merveille...
Mais ce qui me reste de ce film, après l'avoir vu à plusieurs reprises, ce n'est pas l'histoire, ni même les personnages (quoique !) mais plutôt l'atmosphère qui s'en dégage. C'est un long poème fantastique. Rappelez-vous ce plan, dans la chambre, la nuit de noces... Cette barque qui glisse au fil de l'eau dans la nuit chaude, presque maternelle... La silhouette du cavalier par la fenêtre de la grange où se sont réfugiés les enfants... Non mais, vraiment, quel beau film !!