Un des premiers long métrage du cinéaste polonais Krzysztof Kieslowski.


Alors dans une période réaliste, le réalisateur dirige son acteur principal dans le rôle d'un frais repris de justice qui a désormais faim de la vie, de se loger, de travailler, de fonder un famille, en somme d'avoir une vie "calme" et rangée, mais va se retrouver pris au milieu d'un conflit social sur son lieu de travail.
Produit en 1976 mais seulement diffusé dans les années 80, le film embarrassa quelque peu les autorités soviétiques qui ne voulaient pas parler des grèves se déroulant à l'époque.
Comment, ironiquement, pouvait-il y avoir grève ou licenciements dans le "paradis du travail" ? C'était l'Europe occidentale et l'Amérique qui exploitaient ses travailleurs, c'était "l'ennemi" chez qui le syndicalisme s'imposait comme une force d'opposition aux seules autorités modernes causes de souffrance sociale et économique.
Alors il pouvait y avoir beaucoup à attendre d'un tel film qui égratignait la surface pour s'intéresser aux réalités inavouables d'un pays satellite de l'URSS, qui plus est sous l'angle d'un personnage apolitique en quête de simplicité.


Ce que l'on peut tout d'abord noter c'est l'extrême sobriété de la réalisation. Peut-être est-ce dû au désir prioritaire d'illustrer une réalité, mais, pour figurer les envies du personnage, un peu plus d'inordinaire aurait été rafraichissant.
Nul besoin d'être Terry Gilliam et d'opposer l'excentricité d'un monde onirique à la triste réalité totalitaire, pour souligner les désirs d'un homme simple et un peu candide. Juste, peut-être, se permettre plus de mouvements de caméra, de plans symboliques.
Il y a bien cette idée des chevaux galopant que l'on entrevoit à travers la portion d'une fenêtre de voiture ou entre deux fritures d'un écran de télévision, tels les derniers résidus de satisfaction que les lieux laissent offrir. Mais cela n'arrive que deux fois très brèves dans le film, sans même être le centre d'une structure narrative. Aussi, autour de la notion de "calme" (ou paix) qui, elle, est centrale, on aurait pu voir celle-ci dans le parcours du personnage et non pas dans une seule réplique ultime et désespérée. Il n'y a rien dans le cours du film qui nous montre réellement que c'est ce que le protagoniste recherche, hormis le fait qu'il le dit. A ce point là, une histoire radiophonique aurait été équivalente.
Pourquoi ne pas se servir de cette caméra pour filmer la disposition du personnage ? Par exemple, en le montrant éviter les zones de remous, ou, à la limite, en le faisant changer de conversation lorsque des collègues révoltés tenteraient de souligner la dégradation des rapports avec la hiérarchie. Ou alors, en augmentant la proportion de scènes de calme (il n'y a pas de rupture dans les ambiances du film). Tout cela restait possible à petit budget et il y avait la place (le métrage dure une petite heure vingt).


Bref, Le Calme (ou La Paix) est un film au sujet en or et au traitement quelque peu ordinaire, avec peu de subjectivité cinématographique, dans lequel le personnage principal n'est finalement qu'une pièce de plus dans les éléments tout aussi ordinaires d'un tableau.
Toutefois, Kieslowski n'est ni Terry Gilliam ni Ken Loach (quoiqu'il soit officiellement plus proche de ce dernier). Il laisse entrevoir les potentialités de son film sans les explorer jusqu'au bout, décrit la réalité d'une Pologne totalitaire sans totalitarisme, et les envies d'un polonais sans cognition manifeste. On reste dans un microcosme qui fait du cadre de l'histoire un lieu aussi universellement ordinaire que ses personnages, et seul un indice du contexte politique nous est laissé, à travers la réplique d'un personnage à propos du fait que "de nos jours, ça (la prison) peut arriver à tout le monde". Seule une chevauchée par écran ou fenêtre interposée nous indique que la quête de satisfaction du protagoniste a existé dans cette réalité là.


Je mets 4 étoiles pour l'idée, 2 pour la réalisation.

Greenbat85
6
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le 5 févr. 2021

Critique lue 53 fois

Greenbat85

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