Juste magnifique ! On a jamais vu dans un jeu pareille déconstruction de la notion d'utopie et du discours du salut et des idoles, pourtant sans simplisme ni pessimisme aveugle.
Amenée d'une façon qui implique le joueur en permanence, qui l'immerge tant à travers les recoins sombres que éclairés d'une âme humaine en perdition sous le poids d'idéologies trop exclusives, trop excluantes pour elle, les créateurs de ces trois volets nous invitent à bien plus qu'une expérience de jeu-vidéo.
Si dans chaque volet les solutions proposées peuvent impliquer d'incarner l'élément subversif et d'employer les valeurs ou attitudes réprimées par l'ordre en place, on trouve néanmoins à coté des ambitions démesurées de dirigeants de Cité mégalomanes que de quasi aphorismes nous restituent avec grandiloquence ou solennité une véritable sensibilité envers les personnes derrière le rideau.
On peut ressentir l'empathie (confirmée en interview) d'un auteur qui a souhaité tout faire sauf un procès aux idéalistes qui s'ignorent ou une glorification de ses propres convictions.
Au lieu de cela, il tente de rapprocher les deux, de montrer que la culpabilité est un sentiment qui ronge l'âme humaine peu importe de quel coté de la loi elle se trouve. Il nous offre d'entendre les motivations, ce qui pousse un homme ou une femme à perpétuer un cycle d'exploitation inépuisable au grès des renforcements ou renversements de pouvoir (un cycle toujours enclin à dériver dans la violence la plus brutale).
Et pour en rajouter une couche, par un gameplay engageant il laisse à réfléchir le joueur sur l'éthique de son propre jeu, l'encourage même à déceler en soi ces motivations, éprouver les affects qui poussent de telles personnes à se comporter ainsi, et peut-être rompre le cycle.
Avec les deux extensions du troisième volet Infinite (Le Tombeau Sous-Marin épisodes 1 et 2) sortis plus tard, on termine de nous démontrer quel propos sous-tend toute l'oeuvre, et que la saga Bioshock est incontestablement une expérience de jeu vidéo unique et inoubliable.