Pour Jojo et Willy, c’est amis pour la vie. Avec une passion commune : celle du motocross qui rend le père de Jojo fier et exigeant (un championnat se profile, qu’il faut gagner à tout prix). Alors Jojo s’entraîne beaucoup, sous l’autorité de son coach, Teddy. Et puis un soir, Willy découvre le secret de Jojo, et tout va basculer… Et tout va se jouer ici et alentour, à La pampa, ce circuit de motocross de cette petite ville rurale comme à l’abandon du Maine-et-Loire où l’on s’ennuie, où tout se sait. Où les mentalités sont restées coincées là, entre réflexes machistes, ambiance testostérone et mépris des différences. "J’ai l’impression d’être dans les années 50 avec les rumeurs, les réputations…", résumera d’ailleurs Marina, celle dont Willy est tombé amoureux.
Antoine Chevrollier s’est inspiré de son adolescence pour cette histoire (coécrite avec Bérénice Bocquillon et Faïza Guène) racontant, à travers plusieurs thèmes, une histoire d’amitié en butte à différents aspects d’une violence sociale ici un rien exacerbée. Mais La pampa, c’est aussi la chronique d’une jeunesse qui se cherche ; c’est un regard porté sur l’homophobie et ses ravages, sur le déterminisme social, l’acceptation de soi, les premiers émois amoureux, l’accomplissement par le sport. Sans jamais forcer ses intentions, sans nous assaillir de dialogues trop démonstratifs, Chevrollier dépeint et révèle les bouleversements existentiels (et générationnels) de filles et (surtout) de garçons face à leurs choix et aux évolutions de leur monde.
Au demeurant, on pourra trouver que le scénario donne parfois l’impression de s’éparpiller, et qu’il a du mal à la fin à ne pas vouloir se terminer en accumulant les micro-récits à boucler absolument. Et qu’il fait davantage la part belle à Willy en, certes, développant une multitude de personnages tout autour (la mère, la petite sœur, le beau-père, le coach, Marina…) pour, le plus souvent, les réduire à des faire-valoir, à des fonctions narratives prédéterminées. Même Jojo est laissé de côté une fois son secret révélé, alors qu’il eut été intéressant (important ?) de l’accompagner lui aussi, à l’instar de Willy, dans sa façon de réagir aux événements, et revenant plus tard dans le récit principal uniquement pour servir une action dramatique. On reste quand même arrimé au film, solaire et vibrionnant, grâce à la fougue des acteurs (Sayyid el Alami et Amaury Foucheret en particulier, sans oublier Artus, surprenant, et Damien Bonnard, magnifique) et par ce juste saisissement, dans sa fureur romanesque, d’un bel âge en route vers l’âge adulte.
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