La famille Lunies ne va pas bien. Elle va très mal même. Le père et la mère sont malades, déclinant à vue d’œil ; le fils, chef d’orchestre réputé, ne sait plus trop où il en est et va devenir le père de l’enfant de son ex-femme ; et la fille, elle, oublie son mal-être dans l’alcool et entame une relation avec un homme marié. Plus personne ne se parle vraiment, chacun et chacune s’évite, s’ignore, se perd, rumine ses rancœurs. Bonjour l’ambiance. D’ailleurs le titre original du film ne trompe pas (déraisonnablement, et surtout pour ne pas rebuter les spectateurs, rebaptisé La partition) : Sterben (mourir, en allemand). Mourir donc, affronter la mort les bras ouverts ou dans sa merde, mais affronter aussi ses contradictions et les jours qui passent.
Matthias Glasner y va sans prendre de gants (la première scène règle d’emblée le curseur dans l’excès et le malaise, excès et malaise que n’aurait sans doute pas renié Ruben Östlund, même si Glasner réfute vivement ce rapprochement) pour décrire la déliquescence, physique et morale, d’une famille type empêtrée dans quelques drames de la vie (dépression, alcoolisme, maladie, solitude, crise d’égo…). Sur un ton tragicomique parfois surfait, le récit accumule (jusqu’à s’y enfermer) les séquences où les personnages font constamment face à la cruauté (et rarement à la douceur) des rapports humains. Si bien que celui-ci donne l’impression de faire du surplace, de ne pas approfondir les caractères, de se complaire dans une sorte de noirceur gluante, ne parvenant, de fait, à se déployer psychologiquement et émotionnellement (on a rarement de l’empathie pour les Lunies).
Et puis le vrai problème de La partition, finalement, c’est que des histoires de familles dysfonctionnelles qui règlent leurs comptes et se disent des horreurs, on en a déjà vu des tonnes, et surtout des meilleures (pour rester dans le germanique et l’histoire d’un fils musicien face à une mère pas commode, on reverra le magnifique Lara Jenkins, déjà avec Corinna Harfouch). Glasner, lui, ne renouvelle rien (curieux que le film se soit vu attribué l’Ours d’argent du meilleur scénario à la Berlinale), ne fait qu’étirer inutilement, sur trois heures quand même, ces sempiternelles chroniques de névroses et de questionnements existentiels sans y apporter quoi que ce soit de neuf ou d’un peu singulier (la mise en scène est d’une tristesse…). Par chance, certaines scènes brillent par leur cinglante ironie (la longue explication entre la mère et le fils, la première du concert qui vire au fiasco…), tandis que les acteurs parviennent, gloire à eux, à nous sortir de l’état de lassitude (de crispation ?) dans lequel nous plonge, trop souvent, le film.
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