La Passante du Sans-Souci par Alligator
Nov 2009:
Joli gadin personnel : une déception dans la mesure où le couple vedette de la distribution avait de quoi faire saliver. Romy Schneider pour qui j'ai une admiration pûre, sans arrière pensée lubrique s'entend, et Michel Piccoli qui petit à petit fait son chemin dans mon panthéon d'acteurs. Bordel que j'aime cet acteur, sa justesse sidérante mais également ses débordements, ses pulsions dans lesquels l'homme dépasse ses rôles, le réel au-dessus du factice ne dénaturant jamais la sincérité du propos, bien au contraire évidemment! Or, ces magnifiques comédiens se vautrent, littéralement, dans une mise en scène à l'absence redoutable. Ils ne sont pas les seuls. Rares sont ceux qui échappent à un phrasé mécanique, une posture pétrifiée. Faute d'imagination dans la direction d'acteurs, la troupe se fige de manière théâtrale et pathétique. Il faut entendre et voir Gérard Klein récitant ses mots sans aucune espèce de conviction, comme on répète la liste des courses à faire, c'est incroyable et pénible.
Faute également et peut-être surtout à un scénario pas loin d'être affligeant. Les dialogues creux au possible enfoncent des portes ouvertes nous apprenant que les nazis sont des salops et qu'avec de l'argent on vit mieux. Les personnages font preuve pour certains d'une inconsistance étonnante et qui ne permet pas de porter un regard réellement compatissant. Avec un manque de subtilité évident, les situations finissent par apparaitre comme des mammouths sur un fil électrique. A force de plier la vraisemblance, le fil de l'histoire casse et le courant ne passe plus. On reste interdit devant la platitude dont font preuve les personnages qui ne s'en remettent jamais, demeurant des monstres d'artifices destinés à faire larmoyer dans les chaumières aidés dans leur entreprise par une musique de Delerue sirupeuse à force de violons déchirants. Les acteurs en rajoutent dans les poses mélodramatiques où les corps se flagellent (prostitution, ivresse) ou se recroquevillent, la tête dans les mains, les dos courbés par le poids de la souffrance, pleurez bonne gens. On pourra ensuite tenter de comprendre l'inanité de certaines scènes. Pourquoi ce plan sur une omelette trop cuite? Pourquoi cette éternité imposée pour mettre un pansement sur un doigt? Pourquoi tant de temps perdu, de scènes sans aucun intérêt? Il faut donc des coupes pour faire pleurer Romy Schneider -dans la scène du restaurant- tant les acteurs ont du mal à justifier leurs actions.
Ce film au discours décousu s'empresse également de faire représentation des clichés habituels à propos de la période de l'occupation. Mathieu Carrière en bon nazi, avec la tête de marbre et d'acier, inamovible figure sans sourire ou expression humaine est tout le long du film le pervers, forcément, qui va pousser son vice jusqu'à faire croire à un couple qu'il est sauvé avant de les assassiner. Au delà d'un récit improbable et incohérent -pourquoi tuerait-on Max et sa femme à la fin du film?- les peurs légitimes d'une résurgence de l'extrême droite prennent des proportions dramatiquement mal calculées, jusqu'à l'absurde et annihilent la force et le bien fondé initiaux du propos. C'est dommage.
L'histoire et la distribution promettaient monts et merveilles et finalement laissent perplexe. Je me demande si le roman de Joseph Kessel est aussi creux ou si l'adaptation rate le coche.