Il y a des films dont on attend la sortie en s'y projetant avec beaucoup d'impatience. Ce fut le cas pour celui-ci, pour deux raisons. Il est signé Jacques Rouffio, réalisateur percutant à qui l'on doit, entre autres, "Sept morts sur ordonnance" et "Le Sucre". Et il marquait le grand retour sur grand écran de Romy Schneider, pour qui l'année 1981 a été terriblement noire sur le plan de sa vie privée. On ne savait pas alors que cela serait, d'une certaine façon, son rôle testamentaire.
On n'est pas déçu. Adapté d'un roman de Joseph Kessel, "La passante du Sans-Souci" est un film dramatique poignant et captivant de bout en bout, sans jamais tomber dans la sensiblerie facile.
Le film débute à l'époque de sa sortie et sur une situation paradoxale. Max Baumstein (Michel Piccoli), Juif, préside une association façon Amnesty international. Et cet homme profondément pacifiste, qui combat la violence en tous genres, va commettre un meurtre ! Le jour où il rencontre l'ambassadeur du Paraguay, il le tue et se constitue aussitôt prisonnier. A sa femme Lina (Romy Schneider) qui vient le voir en prison, il explique le pourquoi de son geste.
Le film ramène alors près de 50 ans en arrière. Berlin, 1933, en pleine ascension d'Hitler: le petit Max et son père sont agressés par des Nazis. Le second est abattu sous les yeux de son enfant, celui-ci est estropié volontairement par ses tortionnaires (scène brève mais à la limite du supportable). Il est recueilli par Michel et Elsa Wiener, amis de ses parents. Se sentant menacé à son tour, Michel oblige sa femme à partir pour Paris avec l'adolescent. Peu après, il subit le martyr concentrationnaire...
La majeure partie du film raconte l'inlassable et douloureux combat d'Elsa (aussi Romy Schneider) non seulement pour subsister avec Max, mais aussi pour obtenir la libération de son mari. Ceci sous forme de flash-backs successifs (et très instructifs sur l'Occupation, avec laquelle les Français sont loin d'avoir fait leur examen de conscience collectif !) alors que déroule le procès. Et l'on apprend peu à peu le pourquoi du meurtre...
Pas question de spoiler, ou plutôt de "dénoncer" ce coeur d'intrigue !
Pour bien montrer que le racisme couvait toujours - depuis, il n'a fait que flamber de plus en plus ! - Rouffio referme son film de manière on ne peut plus logique.
Ce sont en définitive non pas "Une histoire simple" mais deux, qui s'imbriquent terriblement, mais du coup mémorablement. Façon de parler, bien sûr, s'agissant de cette "simplicité" cruelle, foncièrement inadmissible, qui caractérise les crimes commis au nom d'une idéologie totalitaire. Tu ne penses pas comme moi, tu es éliminé ! Définition sans fioritures du Nazisme !
Michel Piccoli et Romy Schneider dominent un générique tout en générosité de jeu au service d'une belle cause (Mathieu Carrière, Dominique Labourier, Gérard Klein...). Le premier dans un rôle assez effacé, mais auquel il donne la consistance cruciale. La seconde, bouleversante, en bord d'abîme de dédoublement (bien au-delà de ses deux rôles), donne une fois de plus la pleine mesure de son don d'abandon !
Une "Passante" dont la tragique silhouette ne peut que s'inscrire à tout jamais dans la mémoire cinéphilique !