Le cinéaste franco-vietnamien rend hommage à la cuisine et l’art de cuisiner français avec ce film. Admirable quand il filme la cuisine en train de se faire, il peine cependant à trouver son rythme en dehors de ces scènes. Le résultat est lent et long et les dialogues très ampoulés n’aident pas.
Eugénie, cuisinière hors pair, est depuis 20 ans au service du célèbre gastronome Dodin. Au fil du temps, de la pratique de la gastronomie et de l'admiration réciproque est née une relation amoureuse. De cette union naissent des plats tous plus savoureux et délicats les uns que les autres qui vont jusqu’à émerveiller les plus grands de ce monde. Pourtant, Eugénie, avide de liberté, n’a jamais voulu se marier avec Dodin.
L’une des premières séquences est assez bluffante. Elle dure une bonne quinzaine de minutes. Il s’agit d'une scène de cuisine toute en mouvements et sans dialogues, si ce n’est les ordres d’Eugénie à son aide-cuistôt. Cette absence de répliques permet de mettre en valeur les gestes, les bruits des ustensiles, les aliments qu’on coupe, les plats qu’on met dans le four. Les séquences de cuisine relèvent du morceau de bravoure, les acteurs étant de surcroit très convaincants et crédibles. Les plats finaux ont d’ailleurs l’air très appétissant, d’autant plus qu’ils sont signés Pierre Gagnaire.
Ce que rend parfaitement le film, c’est ce que procure la cuisine à un certain niveau. Bien plus qu’un concours télévisé comme Top Chef, on comprend très bien l’atmosphère d’émulation qui transporte celui qui cuisine. On ressent l’envie de se dépasser, la recherche de perfectionnisme. Ce qui est également bien rendu, c’est le plaisir de la dégustation. Tran Anh Hung transcrit à l’image ce que c’est de savourer un met d’exception. Contrairement aux scènes de cuisines qui vont très vite, les scènes de repas ont la lenteur d’un gourmet qui déguste son plat.
Malheureusement, l’aisance à filmer la cuisine en train de se faire ne se retrouve dans la mise en scène des autres séquences. La faute à une histoire qui manque vraiment d’actions et de rythme. Hormis d’évoquer la gastronomie française, le film n’a pas vraiment d’enjeux si ce n’est la relation entre la cuisinière Eugénie et le gastronome Dodin. Se marieront-ils ? A vrai dire, on s’en fout un peu.
D’autant que les dialogues lourds et ampoulés ne relèvent pas la sauce. Tran Anh Hung n’a pas trouvé la méthode, l’idée pour restituer le phrasé d’époque. Les films de James Ivory (comme ‘Maurice’, critiqué récemment ou ‘Chambre avec vue’) rappellent à quel point le cinéma britannique sait restituer la façon de parler d’un autre temps. Les films français contemporains savent rarement rendre la langue d’une époque. Ici, les dialogues frôlent le ridicule quand ils ne sont pas insupportables.
Visuellement, l’ensemble est très léché. Mais c’est aussi la limite du film. On ne quitte jamais l’imagerie, la vignette. Ca manque un peu de vie. La photographie de Jonathan Ricquebourg est très belle et rappelle les toiles impressionnistes françaises notamment dans les scènes d’extérieur. Cinématographiquement, on pense aux films de Jean Renoir, dont deux célèbres films font d’ailleurs la part belle au repas.
Dans le rôle-titre, Benoît Magimel est comme d’habitude parfait, apportant sa bonhomie et son visage joufflu. Juliette Binoche, dont les interprétations parfois doloristes sont exaspérantes, est ici très bien, campant avec justesse son personnage, tout en abnégation et dévotion pour l’art culinaire.
Le film se laisse regarder pour ses excellentes scènes de cuisine et de repas. Pour voir un « costume-drama » à la française, on repassera une autre fois. Car on ne peut pas vraiment recommander ce film qui se traine et qui est beaucoup trop long (2h14 !).