Haters gonna hate.
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le 11 janv. 2011
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La Passion du Christ est à la hauteur des polémiques qu'il a suscité, portant au devant de la scène les croyances traditionalistes de Mel Gibson et le rapport viscéral qu'il fait de l'usage de la violence (sans parler du traditionnel antisémitisme, qu'il est de bon ton de recadrer à chaque fois qu'on parle de la mort de Jésus, sans quoi on sent le soufre). Mel, plutôt que de jouer la distance avec son personnage, joue sans arrêt la proximité, en accentuant constamment les détails exhausteurs de douleur. Car c'est par elle que le public subira, lui aussi, la Passion, et feront l'intime expérience du martyr christique. La passion du Christ est un film de l'excès (ce que South Park caricaturera sans finesse, l'épisode sur le phénomène est un angle d'attaque intéressant pour l'analyse), qui ne se privera jamais de rajouter des détails pathétiques supplémentaires, ou des petits trucs inutiles qui contribuent à rendre intolérable le spectacle de ce Jésus étalé sur les murs (près de 300 litres de sang répandus, un miracle à lui tout seul). Car l'accumulation, conjuguée à l'innocence résignée du personnage, touche chacun. Elle traverse la barrière de la langue (hébraïque, mais qui en aurait besoin pour comprendre, tant les symboles y sont déjà évocateurs ?), elle suscite une compassion allant au delà de la pitié, et dans l'univers mystiques de symboles et d'austérité dressé par le film, peut donner une impression de ce qu'est la Foi. Un ressenti tout du moins, durable et évidant. Une telle appropriation du personnage, et un parti pris aussi extrême (puisque la violence crue s'attarde sur le calvaire, ce qui lui vaut cette étiquette d'exploitation, assez relative car l'effet n'a rien de grand public), forment le socle sur lequel le film se repose et s'appuie. C'est l'image qui perdurera, davantage en tout cas que les flashs back rapportant les propos du Christ et ses enseignements, ainsi que plusieurs moments clés. La résurrection se chargera de dissiper l'éventuel traumatisme par de l'espoir et une musique entraînante, un baume toutefois insuffisant sur le coup pour digérer sereinement l'oeuvre. Elle est bouleversante à son niveau, aussi la relativisation prendra un peu de temps (pour ceux qui se sentaient concernés en tout cas). Similaire au calvaire de Martyrs en se parant d'atours religieux, La Passion du Christ a vocation à être une expérience intime, avec un parti pris tourné vers les individus. Mel souligne l'émotion en épurant le reste, et en soignant le cadre, nous livrant une des meilleures reconstitutions de la Palestine romaine, autant dans ses décors que dans les cultures qui y cohabitent. Jouant cette carte jusqu'au bout, il use également de symboliques rustiques, volontairement austères, comme les enfants-démons difformes, ou ce Satan androgyne à la progéniture décadente. Le tout crée un style rude et très pictural, proche des peintures (notamment dans les intérieurs qui se construisent comme des tableaux, Mel Gibson a cité Caravage), dans une branche plus prononcée question dolorisme. Un tel mélange sera vécu par chacun, et donc interprété de la sorte.
Toutes les polémiques naissent elle aussi d'une réaction passionnelle et opposée à cette radicalité. C'est pourtant absent du sketch de South Park (seul Kyle se sent culpabilisé par le film en tant que juif, la synagogue est prise pour cible par des passants qui demandent aux juifs de s'excuser...), mais pour montrer Mel Gibson qui nage dans son caca, on ne se gênera pas. Bien dommage vu l'hystérie développée autour du caractère antisémite (autant dire alors que les catholiques ont une religion antisémite) et de l'ultra-violence trop violente (qui donc culpabiliserait davantage les juifs alors que c'est constamment la pitié et la compassion pour le Christ qu'elle suscite). Film de toutes les passions, Mel Gibson marque donc un grand coup qui lui sera fatal, les portes d'Hollywood se refermant dès lors devant lui. Apocalypto suivra (tout aussi percutant dans son austérité), puis quelques petits rôles minables avant le retour de Tu ne tueras point, qui fait preuve d'un amollissement inquiétant. Mais qu'importe, le cinéma y a gagné une oeuvre intense, parfois un peu redondante, mais jamais plate dans son exposition de la douleur.
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le 15 mars 2017
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