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Il est de ces projets qui fascinent, que l’on repère à sa genèse, attiré par une curiosité sans borne. La rencontre entre le 3e art et le 7e est forcément de ceux-là, surtout quand celle-ci tend à ouvrir une porte sur l’âme d’un génie nommé Vincent Van Gogh. On rentre alors fébrile dans la salle de rouge vêtue, prêt à voir 125 toiles du maître s’animer.
Il aura fallu pas moins de 90 artistes pour peindre et restituer 62 450 plans. La passion de Van Gogh constitue en ce sens le premier long-métrage entièrement peint à la main. A travers une technique dite de « peinture animée » faite de prises réelles et de peintures incrustées par « compositing » (puis animées par infographie), les nombreuses « petites-mains » du projet transposent leurs talents avec passion. Le film est un délice visuel constant. La vie qui se dégage soudain des toiles de V. Van Gogh ne peut s’empêcher de vous donner un petit pincement au cœur. Cette sensorialité omniprésente, vers laquelle l’artiste a toujours tendu, est un hommage que l’on applaudit humblement.
Passé l’émerveillement graphique, il nous faut nous attarder sur ce que veut nous conter Dorota Kobial et Hugh Welchman. Loin du biopic classique (on explore uniquement les derniers jours de l’artiste), la passion de Van Gogh suit Armand Roulin chargé par son père (grande connaissance de Van Gogh) de remettre une lettre à son frère (Théo Van Gogh). S’ensuit une enquête pour aider le jeune Armand à comprendre le parcours de l’artiste jusqu’à sa mort prématurée, et peut-être lui-même s’imprégner de la passion qui rongeait Vincent. Bien que l’arc narratif se montre classique dans son exécution, le portrait qui se dessine peu à peu du grand peintre est touchant. On y croise autant l’homme que l’expressionniste. On effleure sa mélancolie, sa grande sensibilité au monde, ses fêlures et ses peurs.
Le basculement est alors intéressant entre l’âme de l’artiste qui transparaît de chaque plan, et le cœur de l’homme qui s’incruste dans les recoins sombres du récit. Un portrait tourmenté d’un homme à la carrière aussi courte (9 ans) que foisonnante (on estime à plus de 2000 le nombre d’œuvres dessins et tableaux confondus). Une âme qui comme tant d’autres n’a pas su être reconnue de son vivant.
C’est chose faite à présent. Depuis longtemps déjà on convoque le fantôme de Van Gogh à travers le monde. Le public d’Annecy ne s’y est pas trompé en lui desservant le prix 2017. Nous ne nous tromperons pas non plus en lui laissant le dernier mot extrait d’un de ces nombreux échanges épistolaires qui nous permirent de le comprendre un peu mieux : « Somme toute, je veux arriver au point qu'on dise de mon œuvre: cet homme sent profondément et cet homme sent délicatement. »