L'écran, une fenêtre ouverte sur le monde. Ou pas.

Il n'y a rien. Il n'y a que du vide. De l'absurde pour de l'absurde, néant intersidéral. Pourtant, le nom du réalisateur sonnait à nos oreilles comme quelque chose d'infiniment jouissif. Parce que le Hollandais Alex Van Warmerdam nous avait déjà séduit avec Abel en 1986, son tout premier film, et Les Habitants (1992), où il jouait dans la fleur de sa trentaine, un personnage touchant et un peu décalé, loufoque et un peu étrange. Le réalisateur, lors d'une interview que j'avais pu visionner dans les bonus du film, avait eu pour moi toute ma sympathie, infiniment drôle, nonchalant et décalé.


Ici, Alex Van Warmerdam a profondément vieilli et ça se voit. Film de vieux soixantenaire, qui prend un foudroyant plaisir à filmer des minettes qui s'entichent de vieux grabataires de 80 ans.
Et lorsque le film se veut drôle, ce n'est même plus drôle. Parce que malheureusement pour lui, Van Warmerdam n'est pas Quentin Dupieux. La peau de Bax, malgré son désir d'incongruité, est l'exact contraire d'un absurde à la Dupieux, un Rubber trash et décalé, assumé de bout en bout. Tout simplement parce que le film de Van Warmerdam demeure d'une inconcevable platitude. D'un ennui, d'une mollesse qui ne décolle jamais, un scénario qui s'échine à nager dans sa propre vase.


Il n'y a rien. Simplement du stéréotype en poudre, personnages englués dans leurs propres clichés, et avec ça un certain sexisme. Il n'y a rien de plus épatant que l'image de la femme montrée uniquement en train de faire la vaisselle : stéréotype de la mère de famille, femme au foyer, bien coiffée et propre sur elle, dans sa cuisine, que l'on ne voit qu'à travers des plans, toujours les mêmes, où elle répond au téléphone à un mari qui fait les quatre cent coup à Katmandou. Voix mielleuse et rassurante, musique douce qui accompagne l'immensité d'un cliché, englué dans ses propres étiquettes, carcans, images subliminales et inconscientes de modèles que l'on ne cesse de voir dans les publicités télévisuelles. Les trois petites filles douces comme la lune, munis de grands sourires, et youpi yop là, c'est l'anniversaire de papa et on fête tout ça en famille, on est tous heureux !


Inutile encore de parler de l'image de cette femme nue au dernier plan, cette nudité comme pour s'armer face à la violence devant elle, comme pour éviter la mort : cela ne viendrait à l'esprit de personne de tuer une femme nue, désarmée face au monde. Mais peut-être que c'est seulement ça, ce ressenti : cette exaspération et cet énervement que nous avons face à cette image vue tant de fois, comme pour ainsi montrer la simple beauté d'une femme nue sur la toile d'un écran géant. Juste pour le fun.
Mais il n'empêche que néanmoins, la question se pose : est-ce que la réaction de l'homme, est-ce que la scène, l'instant du film, aurait eu la même signification si c'était un homme nu qui se tenait face à une femme tenant un fusil ? Nous sommes en droit de réfléchir. Il est bon, et plus que primordial de réfléchir sur les images conscientes ou non qui entourent notre monde.


Finalement, on a l'exacte impression d'être devant un téléfilm français ou une pub à la télé, images d'une platitude incommensurable. C'est simple : il n'y a rien. Rien. RIEN. Rien de rien. D'ailleurs, c'est tellement plat dans l'esthétique, tellement numérisée par les couches de numérique, que ça en devient presque maladif, écœurant.
Le constat est là : j'ai vu de mes propres yeux la pâleur et le vide s'afficher dans l'antre d'un écran géant, n'ayant apporté rien d'autre que de la vacuité en masse, pour des yeux qui attendent, et ne cessent d'attendre. Ce qu'ils attendent, ce qu'ils désirent, ce qu'ils espèrent (je parle des yeux, comprenons-nous bien) n'arrive jamais.


Alors, une immense lassitude s'empare du spectateur, qui ne peut rien faire d'autre que de soupirer, puis d'attendre, puis de soupirer, puis d'attendre encore, puis de s'enfoncer à jamais dans le fauteuil piège de la paresse, celui du cinéma.
Ainsi, le cinéma, l'art de la paresse. L'art de s'enfoncer à notre guise dans la mollesse d'un fauteuil , qui est loin de contenir la même mollesse affiché à l'écran.
Ergonomie étudié pour le besoin de l'être humain, spectateur de l'inconnu.
L'écran, une fenêtre ouverte sur le monde. Ou pas.


Le cinéma, l'art de la feignantise.

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le 4 nov. 2015

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Lunette

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