La Petite Sœur du Diable - Suor Omicidi dans son magnifique titre original - est la réinterprétation cinématographique de l'histoire vraie de Cécile Bombeek, alias sœur Godfrida : suite à l'exérèse neurochirurgicale d'une tumeur cérébrale, la religieuse belge qui officiait comme infirmière dans un service de gériatrie montre un net changement de personnalité et se met à tuer des vieillards qu'elle juge trop bruyants la nuit (3 meurtres officiellement, une trentaine estimée). Dénoncée par ses collègues, elle est hospitalisée à demeure en institution psychiatrique.


Le réalisateur réarrange donc ces faits historiques au profit de son histoire, en favorisant les éléments les plus crapoteux : sœur Godfrida devient Gertrude et est ici une cadre d'hospice tyrannique, s'intégrant parfaitement dans l'ambiance collective de joug religieux qui infantilise sans cesse les résidents, quitte à faire passer Orpea pour des petits joueurs. Mais sœur Gertrude ajoute aux mesquineries du quotidien ses dérives personnelles : la brave femme est en effet morphinomane, voleuse, manipulatrice, défroquée et sub-délirante persécutée/hypocondriaque (de quoi rendre Benedetta jalouse)... jusqu'à commettre des meurtres sanguinolents. Mais l'avantage scénaristique des intoxications aux opiacés est de pouvoir troubler la perception des événements, alors que d'autres personnages semblent jouer leur propre partition.


La Petite Sœur du Diable bénéficie d'acteurs appliqués et de séquences de confusion quasi-horrifique bien fichues que soutient une musique ronge-tête ; sœur Gertrude souffle le chaud et le froid, entre victime de l'abandon à sa souffrance par la hiérarchie ecclésiastique et le corps médical, et tarée instable et inquiétante. Mais le film peine à conserver son ambiance sur la durée et souffre d'un rythme mouduc, à l'image du pire massage cardiaque du monde que réalise le vieux médecin (compter une pression ramollo toutes les 10 secondes, sur le matelas moelleux de la vieille dame). Le spectacle est toutefois relevé par la révélation finale, assez évidente mais dont la motivation exacte fait son petit effet. Une expérience en demi-teinte, donc.


Le master du Chat fait parfois un peu vieillot, avec quelques bugs visuels ponctuels. L'interview de Giullo Berruti est intéressante car elle aide à recontextualiser la thématique du film dans son parcours de vie (d'une scolarité religieuse durant son enfance pauvre à une évolution philosophique anti-cléricale à l'âge adulte) et dans la société italienne de l'époque, le caractère choquant de certains choix de mise en scène pouvant désormais être moins perceptibles. De ce fait, la distribution de La Petite Sœur du Diable sera rapidement entravée par les officines vaticanes suite à de malheureuses tentatives de coup de com' par les producteurs. Un bonus pertinent qui permet de rehausser l'intérêt du film.

Créée

le 30 mars 2022

Critique lue 135 fois

3 j'aime

Critique lue 135 fois

3

D'autres avis sur La Petite Soeur du diable

La Petite Soeur du diable
Pascoul_Relléguic
6

Critique de La Petite Soeur du diable par Pascoul Relléguic

La Petite Sœur du Diable - Suor Omicidi dans son magnifique titre original - est la réinterprétation cinématographique de l'histoire vraie de Cécile Bombeek, alias sœur Godfrida : suite à l'exérèse...

le 30 mars 2022

3 j'aime

La Petite Soeur du diable
daniellebelge
5

Bad sister

Le film fait partie du sous-genre de la nunsploitation et nous présente une religieuse tourmentée par ses désirs de violence et de sexe, son changement de comportement résultant selon elle d'une...

le 29 janv. 2017

3 j'aime

La Petite Soeur du diable
fairybrownie
4

Giallo en gants mappa

On s’attend à une orgie de nones sadiques et assoiffées de sexe, et on se retrouve dans un pseudo-giallo en huit clos où il ne se passe pas globalement grand chose avec peu de sexe et peu de...

le 4 avr. 2022

1 j'aime

Du même critique

Miraculous - Le film
Pascoul_Relléguic
4

Critique de Miraculous - Le film par Pascoul Relléguic

Découvert avec ma fille en avant-première, le film s'avère rapidement déroutant avant de virer au décevant pour qui connait un tant soit peu la série originale : Miraculous the movie est en fait plus...

le 14 juin 2023

13 j'aime

The Dead Don't Die
Pascoul_Relléguic
2

Quand l'hommage vire à l'escroquerie

Au début, j'ai trouvé le film gentiment intrigant ; par la suite, j'ai ressenti ça comme sans intérêt ; à la fin, j'ai conclu à une détestable escroquerie. Jarmusch s'est contenté de fragmenter toute...

le 14 mai 2019

11 j'aime

Undone
Pascoul_Relléguic
9

La folie est parfois la meilleure manière de s'adapter à la réalité

Undone ne fait pas les grands titres et c'est bien dommage car voilà une série qui le mérite. Alma est meurtrie par la mort de son père durant son enfance et elle tente de se construire en tant...

le 19 avr. 2020

9 j'aime