J'aime bien la démarche de Marco Ferreri, cette propension à vouloir bousculer le spectateur, à provoquer chez lui le dégoût pour la réflexion, à l'exposer à ses propres tabous, à lui mettre la tête dans son caca. Si elle peut être considérée comme systématique et perdant ainsi de sa portée, si l'on peut fustiger que son talent soit quelque part confondu avec une certaine puérilité, un enfantillage de chenapan, il n'en demeure pas moins que souvent ce brigand d'italien touche au but.

Pour son troisième film, toujours une production espagnole, Ferreri montre bien, au plus grand dam de Franco qui le censura prestement, combien la société supporte si mal de voir en son sein la décrépitude des vieux et l'existence des handicapés. Toute cette engeance se mélange ici dans une troupe, à la "freaks" qui zone un peu et tue le temps délaissée par le monde qui l'entoure.

Un vieil homme las de sa famille passe sa journée avec un groupe d'handicapés qui circule essentiellement en triporteurs motorisés. Le vieillard supporte mal de vivre aux crochets d'un fils indigne qui refuse de voir un homme chez ce père aux extravagances dérangeantes. Elles suscitent un regard embarrassant de la part de la société et s'y ajoute tout simplement la pingrerie du fils, le cochecito coûtant relativement cher.

Ferreri n'échappe pas à la provoc ici non plus, étirant sa trame jusqu'à l'absurde. Absurde n'est sans doute pas le terme. Mais disons sans spoiler qu'il pousse son raisonnement vers une exagération fondamentalement et formellement réaliste. On est toutefois dans l'extrême.

Quoiqu'il en soit, le film offre à José Isbert un rôle en or. Le vieillard joue tellement bien. Son rôle déchirant prend aux tripes.

Un joli film, dérangeant, couillu (on imagine sans peine que ce portrait peu emballant d'une société non dépourvue d'éclopés et d'exclus a dû bien emmerdé les fascistes espagnols).

Alors sans doute peut-on regretter que le film ne soit pas plus rythmé?
Alligator
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le 16 févr. 2013

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Alligator

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