Il est des drames dont on entend toujours parler. Comme une trame de fond qui persiste, indéfiniment semble-t-il. Comme par exemple, ces Africains qui, obnubilés par l'espoir projeté par le rayonnement médiatique occidental, se lancent dans une terrible odyssée pour rejoindre les terres du salut: l'Europe. On en entend parler, dans les journaux, à la radio. On s'offusque. On est révoltés. Et puis, on oublie.
Seulement quand ces drames sont racontés par le cinéma, et quand ce cinéma est réussi, on entre dans une autre dimension. La trame de fond s'immisce au premier plan de nos émotions. On est impliqués. On fait partie de cette pirogue qui s'élance dans le mur de l'illusion. Après trente première minutes laborieuses de situation initiale, à toute vitesse nous fonçons dans un de ces chemins que peut tracer l'espoir. Un chemin dont on ne voit que la fin. Ces mendiants de vie n'ont aucune idée de la manière dont ils y arriveront. Ils savent juste qu'ils y arriveront. "Dieu est grand".
Mais Dieu n'a pas été grand longtemps. Peu à peu l'angoisse gagne la pirogue. Un à un, ils sentent la peur ramper dans leur veine, irrémédiablement. Nous avons là un huis-clos assez paradoxal: le sentiment d'enfermement se heurte à l'immensité des alentours. Ces plans resserrés sur certains personnages avec la mer qui défile derrière en est symptomatique.
Les plans larges sur la pirogue au milieu de l'océan rendent parfaitement bien le sentiment dominant: que faire face à ce monstrueux ennemi qu'est l'infini?
La réalisation, quasi-documentaire, bénéficie de la force de l'unité de lieu et d'action. La tension est constante, ce qui implique le spectateur et contribue au but avéré du film: faire vivre aux spectateurs cet enfer dans lequel se lancent des milliers d'Africains tous les ans. Efficace, compte tenu de la faiblesse de l'interprétation, et puissant dans son évocation.