I don't give….a damn about 'strict historical accuracy' if it hamstrings a story.



On comprend mieux avec cette remarque de Robert Buckner (scénariste) à l'égard de son assistant Elaine Wilmont, les nombreuses incohérences historiques de La Piste de Santa Fé. Inutile donc de les lister de façon exhaustive puisque l'objectif du réalisateur et son équipe n'était visiblement pas de montrer une image fidèle de cette période traumatisante de l'Histoire des États-Unis.


Pour autant, la liberté du cinéaste par rapport à la vérité historique peut parfaitement s'expliquer pour des raisons pratiques. Les américains connaissent en 1940 toutes les figures historiques présentées à West Point et même si elles n'y étaient pas nécessairement au même moment, cette unité permet au réalisateur de démontrer à quel point la Guerre Civile a été un traumatisme pour l'armée américaine.


Néanmoins, lorsque la liberté avec l'Histoire se transforme en révisionnisme, le film dérange davantage. Sur ce point, il est donc important de rappeler que La Piste de Santa Fé a été réalisé à la veille de l'entrée des États-Unis dans la Seconde Guerre Mondiale. Michael Curtiz, défendant la thèse selon laquelle les États sudistes auraient réussi à abolir de façon pacifiste l'esclavage progressivement, met ainsi en parallèle le traumatisme de la Guerre Civile (dont les américains ne sont pas encore totalement libérés en 1940) avec le risque d'une entrée en guerre imminente et d'une nouvelle fracture de la société américaine.


Il convient toutefois de noter que si le film présente clairement une vision manichéenne du conflit entre le Nord et le Sud, celui-ci n'impose pas non plus une lecture unique du conflit. En effet, si les généraux sudistes sont parfaitement habillés, bien éduqués, et charment les plus belles femmes, alors que John Brown est dépeint comme un fanatique religieux n'hésitant pas à tuer ceux qui s'opposent à lui, la qualité de ses discours ainsi que le charisme de ce dernier en font le personnage le plus persuasif du film.


Si La Piste de Santa Fé peut troubler quant à son message, il est certain que la qualité globale de la réalisation est indiscutable. Michael Curtiz démontre qu'il maîtrise à la perfection les scènes d'action (la course-poursuite à cheval au tout début du film ainsi que la bataille dans la grange sont parfaitement rythmées). La mise en scène est millimétrée tandis que la musique de Max Steiner doit également être relevée.


Que dire d'Errol Flynn si ce n'est que celui-ci démontre une nouvelle fois ce qu'est un grand acteur. On retrouve également avec plaisir Olivia De Havilland qui semble tout à fait à sa place dans ce trio amoureux. La complicité entre ces deux premiers permet même d'oublier la médiocrité de Ronald Reagan (qui n'est pas mauvais mais est tout de même bien en dessous des autres).


La grande révélation demeure Raymond Massey qui incarne avec brio ce John Brown rappelant à certains égards Ivan Le Terrible de Sergueï Eisenstein (sorti en 1944). L'acteur se paie même le luxe de piquer la vedette à Errol Flynn tant sa présence à l'écran est marquante. Celui-ci réussit merveilleusement bien à transcrire la complexité du personnage historique. Les délires religieux du révolutionnaire abolitionniste permettent même une réflexion plus actuelle du film.


Victor Hugo écrivait le 2 décembre 1859 à propos de la condamnation à mort de John Brown :



Oui, que l’Amérique le sache et y songe, il y a quelque chose de plus effrayant que Caïn tuant Abel, c’est Washington tuant Spartacus.


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le 7 avr. 2015

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