Trop de personnes regardent La Planète des singes en ayant déjà connaissance du rebondissement. Pour votre bien, si vous ne connaissez rien de cet univers, ne lisez plus rien le concernant : regardez le film d'abord.
La même année que 2001, L'Odyssée de l'espace, alors que Kubrick fait évoluer l'homme au stade de surhomme, Schaffner adapte le roman de Pierre Boulle qui prévoit pour l'humanité un avenir autrement plus décadent. Deux visions bien différentes de l'évolution.
Les décors naturels sont absolument splendides. On se perd dans ces immenses landes nous renvoyant à notre petitesse, ces terres arides inhospitalières que l'on ne peut dompter. La Planète des singes insiste sur la mise en valeur des paysages et du décor, même le village et l'intérieur de ses maisons ont une allure artisanale et authentique.
Cette sensation d'authenticité, de "fait-main", s'observe également dans les costumes et maquillages, devenus cultes, que je trouve impressionnants et particulièrement magnifiques, bien qu'ils puissent avoir vieilli visuellement aux yeux de certains tout comme certains procédés filmiques (zooms frénétiques, vue subjective du crash du vaisseau pour éviter des effets visuels rapidement obsolètes). Certes, les singes sont moins réalistes que dans Suprématie, mais ceux-ci sont réels.
La Planète des singes dessine un évident parallèle avec notre société. La civilisation simienne est porteuse des travers de l'humanité, qu'ils reproduisent malgré eux. Ainsi, Zaius incarne tant l'homme de science que l'homme de foi, les règles sont dictées par des écrits sacrés dont personne, de mémoire de singe, ne se souvient de la conception. On confronte ainsi le créationnisme et le darwinisme comme la croyance au rationalisme, mais tout cela a pour but de dissimuler des secrets enfouis qui constituent le twist final.
La première fois que j'ai vu le film, j'ignorais l'existence d'un twist, et j'ai été abasourdi. Le film prend à cet instant une ampleur énorme. Tourné en 1968, le film nous interroge sur les conséquences éventuelles d'une guerre nucléaire, induite par le contexte géo-politique de l'époque. Le message est alors à la fois probant et percutant.
La Planète des singes nous renvoie à notre condition d'Homme, notre impuissance, nous fait ressentir l'horreur de la persécution et nous plonge dans une Controverse de Valladolid où nous sommes pris pour cible. Il est assez inconfortable de voir des hommes se faire traiter comme des bêtes (une expression symptomatique de notre comportement), dédaignés, enfermés, empaillés.
L'OST résonne également avec l'idée d'un futur primitif : il s'agit d'une musique principalement pulsée, jamais mélodique, mais toujours énergique et frénétique, qui accompagne parfaitement l'action, notamment les courses-poursuites aux prises de vues dynamiques et haletantes.
Je ne trouve pas que La Planète des singes ait vraiment vieilli, car il se regarde comme une relique dont la beauté de l'authenticité n'a d'égale que sa puissance vaticinatrice. Non seulement il s'agit à mes yeux d'un film unique et important, mais ses nombreuses suites permettent également de former une saga d'exception.