Pourtant jugée inadaptable à la sortie du livre de Pierre Boulle en 1963, La Planète des Singes voit quand même le jour cinq années plus tard, sous la houlette de Franklin J. Schaffner, qui en profite pour en faire un miroir de son époque.
Ce point-là est d'ailleurs assez passionnant, par le prisme de cette libre adaptation et d'un monde où le singe est humanisé et l'homme revenu au stade animal, Schaffner met en avant l'évolution du monde dans les années 1960. On peut voir dans son oeuvre l'image des mouvements de contestations, que ce soit pour les droits civiques, de la femme ou contre la Guerre ainsi que l'armement nucléaire, mais aussi une réflexion sur la religion face à la science ou encore sur la place des armes dans notre société. Tout cela est brassé avec grand brio, ne devenant jamais lourd, s'insérant toujours parfaitement au récit et étant subtilement mis en avant.
Au delà de son aspect humaniste, comme en témoigne l'introduction et la conclusion, La Planète des Singes reste remarquable par son atmosphère moite et mystérieuse et l'immersion qui est proposée. Schaffner nous fait vivre cette aventure par le regard du protagoniste George Taylor, on découvre tout en même temps que lui et on s’interroge sur le même aspect, il sublime une réelle qualité d'écriture et d'adaptation, que ce soit par les personnages, situations ou sous-texte.
En plus de demeurer une inestimable et riche source de réflexion, l'oeuvre fascine par son aspect technique et sa reconstitution, que ce soit dans les costumes mais surtout dans le cadre et les décors. Schaffner sublime tout cela et crée un ensemble cohérent, où il va faire ressortir les émotions des protagonistes ainsi que la tension des enjeux, rendant ainsi de nombreuses séquences mémorables.
Schaffner démontre qu'il sait prendre son temps pour bien raconter son histoire, sachant bien montrer tout le calvaire de l'Homme qui va découvrir son changement de statut, sans pouvoir en premier lieu s'exprimer. C'est là qu'apparaît un aspect intelligemment mis en scène, celui de la résignation, de l'évolution mais aussi du rapport avec l'animal, et ce qu'on peut assimiler à l'Homme se trouvant chez le singe. La remarquable et expérimentale bande originale signée Jerry Goldsmith ainsi que l'assurance et le charisme de Charlton Heston, qui donne littéralement vie à son personnage, sont aussi inoubliables.
Franklin J. Schaffner propose avec son adaptation de La Planète des Singes une remarquable, terrifiante et passionnante aventure, créant un univers qui devient le prisme de notre société et une source inépuisable de réflexion.