S’il est devenu presque comique et quotidien de devoir cracher sur Hollywood et ses nombreuses reprises, il faut tout de même avouer qu’il existe des exceptions. Et la dernière en date, en guise de reboot, est la franchise de La Planète des Singes. En même pas deux opus, la saga a su revenir sur le devant de la scène après le discutable remake de Tim Burton, et en beauté ! Mettant dans un premier temps en avant, via les Origines, la technique de la motion capture pour lui offrir une toute nouvelle perspective. Pour poursuivre sur l’Affrontement, un second volet qui permettait de peaufiner celle-ci afin de parfaire son univers, son histoire, ses personnages. Il était donc normal que cette Planète des Singes – Suprématie soit l’un des blockbusters les plus attendus de cette année 2017, devant clôturer avec savoir-faire une trilogie hollywoodienne qui aura su marquer les esprits à sa manière. Alors, s’agit-il du grand final que nous étions en droit d’attendre ? Honnêtement ? Non... Du mois, pour la plupart des spectateurs. Mais au risque de décevoir bien des gens sur un seul point, Suprématie va bien plus loin, en se présentant comme l’aboutissement suprême d’une saga qui avait sérieusement besoin qu’on la dépoussière.


Là où ce nouvel opus de La Planète des Singes aura ses réfractaires, c’est encore une fois sur une promesse qui n’aura pas été tenue par la promotion du gros studio : finir la trilogie sur quelque chose de spectaculaire. Et comme pour l’Affrontement, le public peut toujours attendre d’avoir une guerre entre singes et humains, Suprématie ne proposant que très peu de séquences d’action. Une en guise d’introduction et une seconde pour baisser le rideau sur tout cela. Ni plus ni moins ! Alors oui, la frustration de certains peut se comprendre. Mais quelque part, sans vouloir être méchant ni insultant, les gens qui pensaient avoir du spectaculaire avec ce film, c’est qu’ils n’ont clairement pas compris ce qu’était ce reboot en trois films de La Planète des Singes. Bien que les Origines avait un aspect plus hollywoodien que son successeur (musiques symphoniques, scénario allant trop vite, ambiance peu maîtrisée…), il annonçait d’emblée la couleur : respecter les grandes lignes de la saga originelle (critiquer l’humanité à travers l’évolution des singes) tout en ne faisant que suivre le parcours d’un personnage en particulier. Et qui dit personnage ne dit pas forcément action ! Mais plutôt développement de sa personnalité, de son point de vue. De lui-même mais également de ses proches ou encore des êtres allant à sa rencontre. Par là, il faut comprendre que la trilogie a osé faire ce que peu de blockbusters actuels parviennent à réussir : tisser une véritable intrigue sans tomber dans la facilité du spectaculaire pour en mettre plein la vue. Et c’est ce travail que parachève La Planète des Singes – Suprématie, à la perfection !


Au lieu donc de faire du surplace et de privilégier l’action, ce troisième opus poursuit l’évolution de son personnage principal, César, afin de lui offrir une toute nouvelle facette causée par les événements survenus dans l’Affrontement (son face-à-face avec Koba). Lui, qui croyait le singe meilleur que l’homme, se retrouve à douter de ses convictions. À se laisser envahir par ses émotions (la perte de sa famille) pour se lancer dans une vendetta vengeresse le rendant bien plus humain… qu’un être humain ! Mais quelque part, cela le rend également aveugle sur bien des points, comme les conséquences de ses actes. Sur le bien-fondé de ses agissements (comme renier un simple enfant ayant perdu son père que son second, Maurice, va prendre en charge) ou bien sur la confiance qu’il portait jadis à son espèce (il doute de ses amis, devient en quelque sorte parano à force de subir trahison et déception). Une évolution qui atteint son paroxysme quand il découvre la véritable personnalité de l’antagoniste, le Colonel, qui, en un monologue, démoli le cliché ambulant qu’il était (le méchant militaire américain à la Avatar) pour être un protagoniste à la fois détestable et attachant. Un rôle beaucoup plus complexe qu’il n’y parait qui va ouvrir les yeux de César sur sa fausse route et lui montrer l’essentiel : la survie de ses semblables, qu’il avait perdu de vue, contre la folie destructrice, humaine, qui s’emparait de lui. Tout ça pour dire, une fois encore, que ce qui prime avant tout dans Suprématie, c’est son personnage. Son histoire, qui fourmille d’instants tragiques d’une puissance incommensurable. De séquences prenant aux tripes. Bref, un tout qui fait de cette Planète des Singes un film profondément humain !


Mais cela, le long-métrage le doit à Matt Reeves. Ce réalisateur, lancé par J.J. Abrams avec Cloverfield et qui semblait s’adonner au système hollywoodien (le remake américaine de Morse, Laisse-moi entrer), démontre une nouvelle fois son savoir-faire et son talent à s’approprier ce qu’il a entre les mains. En persévérant à vouloir tout miser sur l’histoire. À la parfaire en utilisant ce que le cinéma lui offre pour l’occasion. Comme les effets spéciaux et notamment la motion capture. Délivrant un visuel dépassant des limites que l’ont pensait déjà atteintes (jamais les singes n’avaient paru aussi réalistes), sublimé par la performance des comédiens (mais Bon Dieu, que l’on donne un Oscar à Andy Serkis !! Il est d’une justesse ahurissante pour faire vivre son personnage de César, rien que dans le regard de celui-ci !!! ). Ne l’utilisant jamais comme un artifice tape-à-l’oeil mais bien comme le conçoit Serkis depuis Le Seigneur des Anneaux et son rôle de Gollum, à savoir un simple outil ne faisant qu’aider les acteurs dans leur jeu. La mise en scène de Reeves n’est également pas en restes, parvenant à sublimer l’histoire qu’il raconte. L’ambiance, les plans, le ton sombre, la musique de Michael Giacchino, le rythme assurément lent de l’ensemble… tout est fait en sorte pour que l’on ressente la force qui se dégage des personnages, du script. Et c’est réussi ! Même les rares séquences d’action arrivent à se démarquer. Il suffit de prendre la bataille en guise d’introduction : tendue et impressionnante au possible. On regrettera juste l’ajout d’un nouveau personnage (celui de Méchant Singe), une sorte de sidekick « gollumiesque » qui, par son côté maladroit et enfantin, apporte une petite touche d’humour dispensable, cassant par moment le ton sombre et sérieux du film – et même le rythme – alors qu’il n’y avait pas de raison de le faire. Comme si le long-métrage avait besoin de s’ouvrir à un plus large public, alors qu’il n’en avait clairement pas besoin.


S’il est question d’une suite aux vues de la fin simili ouverte qui nous est offerte, je pense que ce serait la plus grosse erreur que ferait le reboot de la franchise en poursuivant l’aventure. Car avec Suprématie, il finalise tout ce qu’il avait à dire, à faire. Et le réalise avec brio ! Depuis le départ, le but était de vivre l’émergence des singes à partir du regard d’un seul personnage. Maintenant que le point de vue s’est refermé avec ce film, il ne sert à rien de continuer, si ce n’est de surfer sur le succès de la trilogie pour remplir encore plus les caisses de la production. S’il vous plait, vous, les studios hollywoodiens, ne commettez pas ce qui serait comme un doigt d’honneur à ce que vous avez fait de meilleur cette dernière décennie. Ne foutez pas en l’air un travail de maître qui peut encore vous faire bien voir auprès de l’inconscient collectif. En clair, cette franchise, n’y touchez plus ! Pas avant longtemps ni même avant d’avoir une nouvelle idée révolutionnaire qui saura la présenter sous un autre angle… comme l’a fait cette incroyable trilogie qui fera encore écho dans les années à venir.

Créée

le 4 nov. 2017

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